Lu en 2020
1. Javier Marias, Demain dans la bataille, pense à moi
2. Vladimir Nabokov, Feu pâle
3. George Elliot, Middlemarch
4. John Steinbeck, Les Raisins de la colère
5. Michel Tournier, Le Roi des aulnes.
Avec une mention pour La Princesse de Montpensier (Mme de la ...
58 livres
créée il y a presque 5 ans · modifiée il y a plus de 2 ansEscalier trois (1892)
Die dritte Stiege
Sortie : 1892. Roman
livre de Eduard von Keyserling
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
« Dès que l’un d’eux veut se rebiffer un peu, il se heurte à la dureté sans pitié du pouvoir. C’est comme dans un couloir souterrain. On marche courbé, jusqu’à ce que le dos vous fasse si mal qu’on est obligé de se redresser, et comme on ne peut pas le supporter plus longtemps, on tente le coup — et boum, on se fracasse le crâne contre la voûte de pierre, si bien qu’on se recourbe aussi sec.
Les Chênes qu'on abat (1971)
Sortie : 1971 (France). Récit
livre de André Malraux
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
« Les historiens modernes s’imaginent que l’on peut faire ce que l’on veut, quand on est au pouvoir. Louis XIV se plaignait de n’être pas obéi en Auvergne […]. Napoléon se plaignait de n’être obéi à Orléans (à Orléans !) que s’il y allait ! Et je ne suis pas parvenu à faire construire aux Halles des édifices convenables. Mais j’ai voulu ressusciter la France, et dans une certaine mesure, je l’ai fait.
Les Raisins de la colère (1939)
(traduction Duhamel et Coindreau)
Grapes of Wrath
Sortie : 1947 (France). Roman, Culture & société
livre de John Steinbeck
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
“Minds me of a story they tell about Willy Feeley when he was a young fella. Willy was bashful, awful bashful. Well, one day he takes a heifer over to Graves’ bull. Ever’body was out but Elsie Graves, and Elsie wasn’t bashful at all. Willy, he stood there turnin’ red an’ he couldn't even talk. Elsie says, ‘I know what you come for; the bull’s out in back a the barn.’ Well, they took the heifer out there an’ Willy an’ Elsie sat on the fence to watch. Purty soon Willy got feelin’ purty fly. Elsie looks over an’ says, like she don’t know, ‘What’s a matter, Willy?’ Willy’s so randy, he can’t hardly set still. ‘By God,’ he says, ‘by God, I wisht I was a-doin’ that!’ Elsie says, ‘Why not, Willy? It’s your heifer.’”
La Transparence des choses (1972)
Transparent Things
Sortie : 1972. Récit
livre de Vladimir Nabokov
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
“I shall not bother you with the Tamworth problem. You should have seen the smug expression of the oblong fellow’s bearded lips when he visited me this morning. As you know – as everybody, even Marion, knows – he gnawed his way into all my affairs, crawling into every cranny, collecting every German-accented word of mine, so that now he can boswell the dead man just as he had bossed very well the living one. I am also writing my and your lawyer about the measures I would like to be taken after my departure in order to thwart Tamworth at every turn of his labyrinthian plans.”
La Symphonie pastorale (1919)
Sortie : 1919 (France). Roman
livre de André Gide
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
J’aurais voulu pleurer, mais je sentais mon cœur plus aride que le désert.
La courte lettre pour un long adieu
Sortie : 12 mars 1986 (France). Roman
livre de Peter Handke
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
Cet AUTRE TEMPS dont j'avais fait l'expérience lors de ce bref tour du dé sur lui-même à Providence, le voilà qui s'étendait devant moi comme un autre monde où il me suffisait d’entrer pour être enfin débarrassé de ma nature toujours en proie à ses accès de peur et à ses mesquineries. Et pourtant, encore une fois, j’eus peur de faire ce pas, lorsqu’il me vint à l’esprit à quel point je serais nécessairement inconsistant et vide, dénué de toute forme de vie propre ; j’éprouvai une sensation universelle et paradisiaque de vie, sans inhibitions, sans angoisse, où moi-même, tout comme dans le mouvement du cyprès, je n’avais plus lieu ; je fus tellement terrifié par ce monde vide que je revécus en une seconde d’horreur la fantastique terreur éprouvée par l’enfant ne voyant tout à coup plus rien à l’endroit où l’instant d’avant elle avait encore vu quelque chose. À cet instant je perdis pour toujours le désir d’être débarrassé de moi, et à la pensée de mes peurs souvent infantiles, de ma répugnance à vraiment prêter attention à d’autres gens, de mes brusques blocages de pensée, je ressentis tout à coup une espèce de fierté que suivit un sentiment de bien-être. Je savais que plus jamais je ne souhaiterais être débarrassé de toutes ces petitesses et que désormais il ne s’agissait plus que d’une seule chose, trouver pour elles un ordre et pour moi une façon de vivre qui m’irait et où les autres gens aussi m’iraient.
La pensée extrême : comment des gens ordinaires deviennent des fanatiques
Sortie : 17 septembre 2009 (France). Essai
livre de Gérald Bronner
Venantius a mis 7/10.
Ronceraille
Biographie
livre de Claude Bonnefoy
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
vous l’avouerai-je
arbres d’exil — palmiers en cage dans nos cœurs, brûlure ancienne à mes genoux,
fontaines, bassins ronds — où le dimanche mon bateau rouge défiait en course vos poissons,
horloge du beffroi sous qui s’égrènent les commères, les commerces, et les filles avant l’amour qui s’ajustent dans la vitrine du chapelier,
église, tours ajourées, face debout contre le ciel, fausses ruines dressées sur la célébration du vide,
mon nom est pris dans vos racines, vos algues, vos aiguilles, vos lucarnes absentes
votre sol
ma mémoire.
Henri d'Ofterdingen (1802)
(traduction Armel Guerne)
Heinrich von Ofterdingen : Ein Roman
Sortie : 6 octobre 1997 (France). Roman
livre de Novalis
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
Mais ce qui l’attira d’un charme irrésistible, c’était, au bord même de la source, une Fleur svelte d’un bleu éthéré, qui le frôlait de ses larges pétales éclatants. Tout autour d’elles, d'innombrables fleurs de toutes nuances emplissaient l’air de leurs senteurs les plus suaves. Lui, cependant, ne voyait que la Fleur bleue, et il la contempla longuement avec une indicible tendresse. Il allait enfin s’en approcher quand elle se mit soudain à tressaillir et à changer d’aspect ; les feuilles devinrent plus brillantes et se serrèrent contre la tige qui s’allongeait ; la fleur s’inclina vers lui et les pétales formèrent en s’écartant une collerette bleue où flottait un visage délicat.
Baleine (1982)
Sortie : 1982 (France). Nouvelle
livre de Paul Gadenne
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
[…] elle était blanche, d’un blanc fade, comme le blanc du lait épanché. Ce blanc-là était bien à elle. C’était un blanc sans lumière, un blanc gelé, entièrement refermé sur lui-même, tournant le dos à toute gloire, avec une résignation à peine pathétique, vraiment le blanc d’une baleine qui ne faisait pas d’histoires, qui fuyait l’éloquence et défiait terriblement les mots ; d’une baleine d’un naturel très simple, en somme, très proche de nous — une de ces baleines qui font penser : “Dire que nous aurions pu faire une si bonne paire d’amis !…”
Minimythes (1967)
Egyperces novellák
Sortie : 1967 (Hongrie). Recueil de nouvelles
livre de István Örkény
Venantius a mis 7/10.
Annotation :
Au directeur de l’affichage municipal de Budapest.
Camarade Directeur, je soussigné F. D., simple habitant de la capitale, tiens à féliciter votre entreprise pour la facture très soignée des pancartes et panneaux indicateurs plantés à l’entrée du nouveau Parc de la culture pour tous, ci-devant château « royal » de Budapest […].
Le signataire de la présente, le jour de l’ouverture, se présentait à l’entrée du parc parmi ceux que l’embarras du choix offert par vos panneaux rendait quelque peu perplexe. L’un de ces panneaux indiquait la direction à prendre par les « Amis de la poésie », l’autre portait l’inscription « Bataille de boules de neige », le troisième pointait vers les « Serpents et Sauriens d’Afrique équatoriale ». Il n’est pas facile de se décider, lorsqu’on se trouve en présence d’un programme aussi varié qu’alléchant. On proposait encore : « Mini-golf des retraités », « Éléphants apprivoisés », « Pour combattre la misère sexuelle », « Qu’est-ce que l’énergie atomique ? », « Tas de sable pour adulte », « Musique tzigane ou musique populaire », puis les directions à prendre pour les unijambistes, philatélistes, bronchiteux et mille autres stands plus tentants les uns que les autres.
Tamaris (1862)
Sortie : décembre 2006 (France). Roman
livre de George Sand
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
— Oh ! tranquillité, je ris de toi, s’écria-t-il. Voilà bien la plus forte attrape que les hommes aient inventé. Eh ! mon cher, le cœur de l’homme est fait pour la tranquillité comme un oiseau pour la cage. Amassez donc une provision de tranquillité pour vos vieux jours ! Enseignez-moi où ça se trouve, où ça se vend, et dans quelles bouteilles ça se conserve ! Pendant que je m’amuserai à ficeler et à cacheter ma tranquillité dans une cave, la voûte s’effondrera sur ma tête, ou un tremblement de terre nous engloutira, ma tranquillité et moi ! Nous voici bien tranquilles sur ce navire monumental et bien amarrés dans un port tranquille : où serons-nous dans cinq minutes ? Peut-être aurai-je un coup de sang et serez-vous en train de vouloir retenir ma pauvre âme déjà envolée, ou bien, en descendant tout à l’heure dans le canot, peut-être ferez-vous un faux pas et irez-vous voir l’Achéron pendant que nous perdrons tous notre tranquillité pour vous retirer de la mer. Mon cher docteur, ne me parlez jamais de cette chose que je n’admets pas et dont je ne puis me faire aucune idée. La vie, c’est le mouvement, l’agitation, la dépense incessante des forces physiques, morales et intellectuelles. Aimons, souffrons, risquons et acceptons tout gaiement, ou tuons-nous tout de suite, car elle n’est pas ailleurs que dans la mort, votre dame tranquillité ! C’est la chaste épouse qui nous attend dans le tombeau, et je vous réponds que nous l’y trouverons bien vierge, car nous n’aurons pas seulement aperçu sa figure durant notre vie !
Le Corbusier- un fascisme français
Sortie : 8 avril 2015 (France). Essai
livre de X. De Jarcy
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
[Cet ouvrage intéressant mais un peu simplificateur présente les liens du Corbusier avec les mouvements fascisants de la France de la IIIe République, même s'il instruit à charge plutôt qu'à décharge - par exemple, le rapprochement du Corbusier avec le Front populaire et les républicains espagnols n'est évoquée en une ligne. Malgré la thèse de l'auteur et une réelle proximité des pré-fascistes et du Corbusier, on sort de l'ouvrage avec l'impression que l'architecte a en fait, avec un certain opportunisme, absorbé les tics de langage et les modes de plusieurs époques (du futurisme à la France éternelle en passant par le biologisme à la Carrel), pour mieux vendre sa vision architecturale aux pouvoirs successifs. Cet essai est en revanche éclairant sur la proximité entre une certaine brutalité réformatrice et technocratique, dont le programme a été largement repris par les IVe et Ve République, et le pouvoir de Vichy. L'urbanisme violent du Corbusier connaîtra, ainsi, son véritable triomphe dans les années 1950 et 1960 : dalles de la Défense, zonage, développement du tout voiture, etc. Nous en subissons toujours les séquelles...]
Les Grands Bois (1841)
Der Hochwald
Sortie : 1979 (France). Récit
livre de Adalbert Stifter
Venantius a mis 7/10.
Annotation :
[Adalbert Stifter déploie dans *Les Grands Bois* un récit hors du temps, voisin du conte, dans une langue ciselée. Il y a quelque chose de Julien Gracq (Le Rivage des Syrtes, Les Terres du couchant) dans cet univers suspendu et ruisselant de beauté, ode aux forêts montagneuses des contreforts alpins — le lecteur français pourra penser aux lacs sombres des Vosges —, mais sur lequel plane l'ombre inquiétante de la guerre de Trente Ans, des armées suédoises et, plus insidieusement, de la ruine amenée au Paradis par les passions. Ce petit livre est, sans nul doute, une bonne introductive à l'œuvre de Stifter, qui donne envie de le découvrir dans une œuvre de plus grande envergure.]
Voyage autour de mon crâne (1937)
Sortie : 1990 (France). Roman
livre de Frigyes Karinthy
Venantius a mis 5/10.
Annotation :
[Un peu dubitatif devant ce texte célèbre de Frigyes Karinthy, qui m'a semblé se réduire à une mosaïque d'impressions assez décousues. L'ouvrage est une galerie de portraits de médecins, d'hôpitaux et d'asiles, prolongés par un long voyage en train, racontés avec beaucoup de prosaïsme. On trouve certes quelques passages amusants sur la sollicitude embarrassée ou piquante d'un entourage qui orchestre la prise en charge du malade, la description amusée de l'engouement populaire autour de l'opération du grand auteur par un prestigieux médecin suédois, que suit la presse en direct, et quelques remarques pénétrantes — par exemple, la comparaison fine entre le procès et le diagnostic médical. Mais j'ai regretté que ce carnet de notes d'un malade ne soit élevé par aucune montée en généralité, ni soudé par aucun liant stylistique.]
Le Hors-sujet (1996)
Proust et la digression
Sortie : 16 octobre 1996. Essai
livre de Pierre Bayard
Venantius a mis 7/10.
Annotation :
[Livre très fin de Pierre Bayard qui propose une analyse poussée de l'art de la digression chez Proust. Il y tente, d'une part, de théoriser l'insaisissable digression : inévitable lorsqu'on considère une œuvre sur le plan esthétique, introuvable pour qui cherche à analyser cette œuvre, elle finit par devenir le pur corollaire d'un choix herméneutique, voire un reflet de la subjectivité du lecteur. Il s'y livre, d'autre part, à une série d'expériences de pensée sur la Recherche : comment pourrait-on raccourcir la Recherche, quelles digressions sont les moins justifiées, faut-il inciser Doncières ou la Raspelière ? quels sont, a contrario, les morceaux manquants de la Recherche, du plus évident (la mort de Swann) au plus oubliable (le duel du narrateur) ? De cette étude irrévérencieuse mais très savante, on ressort éclairé à la fois sur le “sujet” principal de l'œuvre, mais aussi sur une multitude de “hors-sujets”, qui vont de l'art narratif de Proust (qui, contrairement à ce qu'on pourrait croire, décrit très peu) au sens même de la littérature, art du “lien” par excellence, dont la Recherche du temps perdu constitue le grand-œuvre s'il en est un.]
Mrs. Dalloway (1925)
(traduction Marie-Claire Pasquier)
Sortie : 1994 (France). Roman
livre de Virginia Woolf
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
[*Mrs. Dalloway* est le roman le plus classique qu'il m'ait été donné de lire de Virginia Woolf, bien qu'il porte toutes les marques de son écriture riche, mouvante et intense. Contrairement aux constructions narratives complexes de *To the Lighthouse* et *The Waves*, *Mrs. Dalloway* propose un brio plus discret. La mise en parallèle des vies de Septimus Smith et de l'héroïne éponyme est d'autant plus réussie que rien ne les rapproche évidemment : cette comparaison incite à découvrir un “je-ne-sais-quoi” élusif. Pour le reste, Virginia Woolf balaie son regard créatif sur des objets variés, du passage d'un cortège officiel dans les rues de Londres à un dîner en passant par des combinaisons politiques, comme pour représenter la société londonienne en mutation dans toute sa diversité. Elle est très attentive au passage du temps, représenté dans toutes ces dimensions : écrasant Cronos (qui nous donne des aperçus d'un Londres d'avant la civilisation et même de la fin du monde !) ou renvoi aux amours enfantines, que Mrs. Dalloway revoit sous le double visage de Peter Walsh et d'une Sally Seton bien rangée.]
La Voix du peuple (2018)
Une histoire des assemblées au Moyen Âge
Sortie : 3 octobre 2018. Histoire
livre
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
[*La Voix du peuple* est un livre intéressant et très bien fait, qui montre l'engouement du Moyen Âge central et tardif pour les assemblées. Au-delà du cas de l'Angleterre, il fait découvrir à raison des expériences historiques trop peu connues, comme celles des *cortes* de la péninsule ibérique. Il a aussi le mérite d'explorer la culture politique qui entoure ces assemblées, permettant de découvrir tant leurs convergences avec les visions modernes — le “quod omnet tangit”, principe contractualiste avant l'heure qu'on lui attribue généralement — que leurs divergences, nombreuses — par exemple le principe de l'unanimité, si répandu dans les expériences démocratiques préalables à la généralisation de la règle majoritaire. On peut simplement regretter de n'avoir pas sous la main un ouvrage de synthèse plus vaste sur les pré-démocraties médiévales, qui s'ouvrirait par exemple sur le mouvement communal. Reste un bel ouvrage qui, comme bien d'autres, montre la richesse du répertoire des expériences politiques et culturelles médiévales.]
Le Parapluie de Saint-Pierre (1895)
Szent Péter esernyője
Sortie : 1895 (Hongrie). Roman
livre de Kálmán Mikszáth
Venantius a mis 7/10.
Annotation :
[*Le Parapluie de Saint-Pierre* présente l'entrain et le côté rieur des romans picaresques. On y découvre successivement, sourire aux lèvres, la prospérité inouïe apportée par un parapluie rouge miraculeux à une humble bourgade de la puszta, puis la quête d'un jeune avocat ambitieux pour retrouver ce parapluie rouge qui contient, pour lui, des perspectives de salut plus matérielles... On ne trouve pas dans ce *Parapluie* de profondeur supérieure, malgré quelques idées certainement provocantes pour l'époque (une critique très moderne de l'asymétrie des regards entre le corps des femmes et des hommes) et des fenêtres historiques (ainsi la fierté d'une petite ville de province à accueillir une famille juive, signe d'urbanité, dans un passage très drôle qui souligne bien l'ambivalence de l'histoire juive de l'Europe de l'Est). Une œuvre qui s'accomplit donc très bien dans le cadre de son genre, sans toutefois le dépasser.]
L'Esprit de réaction (2016)
The Shipwrecked Mind
Sortie : 18 septembre 2019 (France). Essai
livre de Mark Lilla
Venantius a mis 5/10.
Annotation :
[Le projet intellectuel de cet essai a tout pour séduire : nous sommes bien plus familier du progressisme que de la réaction, “continent noir” de la doxographie, alors même que son influence n'a cessé de s'étendre. Et il est vrai que certains des chapitres de Lilla séduisent, quand ils font découvrir la pensée baroque et intuitive d'Eric Voegelin, critique de la “gnose”, ou l'étrange vogue de Paul de Tarse dans l'extrême gauche moderne. Mais ils ne me paraissent édifier aucune vision cohérente ni propose aucune thèse sur “l'esprit de réaction” qui donne son titre à l'ouvrage. En fait, ces diverses petites études, souvent d'anciens articles compilés pour l'occasion, me semblent davantage s'affaiblir les uns les autres par leur diversité que s'enrichir de regards croisés. L'ouvrage me semble donc manquer sa cible et ne pas spécialement répondre aux questions qu'il se pose, même s'il offre des pistes de réflexion parfois intéressantes.]
La Princesse de Montpensier (1662)
Sortie : 1662 (France). Nouvelle
livre de Madame de La Fayette
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
[Petit livre exquis de Madame de La Fayette. Il surprend, derrière la pureté délicate de son style, par la violence souterraine qu'il convoque. Violence publique, bien sûr, celles des guerres de religion ; violence privée, aussi, que l'on devine très subtilement dans les “colères” du prince jaloux ; entrecroisement magistral des deux, enfin, dans la fin tragique du roman, dont les deux ou trois dernières pages sont parmi les plus magistrales de la langue française. *La Princesse de Montpensier* est un élégant jardin sous lequel gronde un monstre chthonien. Quelle meilleure définition de la littérature ?]
Le Mythe de l'Europe française au XVIIIe siècle (2007)
Diplomatie, culture et sociabilités au temps des Lumières
Sortie : 5 avril 2007. Histoire
livre de Pierre-Yves Beaurepaire
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
[Dans cet ouvrage, à travers une série d'approches de détail, Pierre-Yves Beaurepaire tend à prouver que “l’Europe française” n’était pas si française que ça, ou l’était non sans subtilité. Sur le plan politique, elle s’est construite comme une première tentative d’équilibre des forces en Europe, grâce au revirement d'alliance de l'Angleterre. Sur le plan culturel, elle s’est traduite par une période d’intenses échanges, qui n’allait pas sans subversions ou réinterprétations d’un certain modèle français : nombre d’œuvres étrangères brocardent le Français arrogant ou le francophile précieux ; les traductions des textes des Lumières français sont remaniées pour correspondre au contexte local, ainsi que le fait Catherine II elle-même. Sans doute pourrait-on dire à peu près la même chose de l'hégémonie américaine aujourd'hui, mais ce regard dépassionné sur le passé permet de lever quelques fantasmes persistants sur cette partie de notre histoire. Malgré cet intérêt, l'ouvrage est handicapé par l'absence de “liant” entre ses différents chapitres, qui passent d'une étude de cas à l'autre, dans un luxe de détail parfois inabordable pour le non-spécialiste de la période.]
Nos petites patries (2019)
Identités régionales et État central, en France, des origines à nos jours
Sortie : 14 février 2019. Histoire
livre de Olivier Pétré-Grenouilleau
Venantius a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[V. critique.]
Middlemarch (1871)
Sortie : 1871. Roman
livre de George Eliot
Venantius a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
The element of tragedy which lies in the very fact of frequency, has not yet wrought itself into the coarse emotion of mankind; and perhaps our frames could hardly bear much of it. If we had a keen vision and feeling of all ordinary human life, it would be like hearing the grass grow and the squirrel’s heart beat, and we should die of that roar which lies on the other side of silence. [V. critique.]
L'Archipel français (2019)
Naissance d'une nation multiple et divisée
Sortie : 7 mars 2019. Essai
livre de Jérôme Fourquet
Venantius a mis 7/10.
Annotation :
[*L’Archipel français* était le livre politique à la mode de 2019, comme *La France périphérique* le fut à une autre époque. Il lui ressemble — à mon sens, en mieux — dans le portrait assez pessimiste, tiré d’une approche essentiellement quantitative, qu’il trace d’une France fracturée. Sa première partie décline de nombreux chiffres, souvent très intéressants (érosion graduelle depuis 1945, mais sans Grand Soir, du référentiel “catho-laïque” ; explosion de la diversité des prénoms ; compilation sans doute à peu près inédite de quasi-statistiques ethniques, analysées avec rigueur et mesure), pour donner le portrait d'un pays de plus en plus fragmenté. La seconde, plus disparate, revient sur divers constats qualitatifs ou territoriaux, dont certains sont très intéressants — par exemple l'analyse de l'irruption du FN à Dreux en 1983, où l'on apprend que l'expression “Vivre ensemble” a été inventée par la maire socialiste comme slogan de sa campagne. La troisième, enfin, projette ces constats sur l'élection de 2017, qui aurait été le point de bascule dans lequel le système politique hérité de l'ancienne société, aujourd'hui démantelée, aurait basculé vers les logiques de la nouvelle. Une analyse sociologique et territoriale fine souligne à quel point les clientèles électorales des nouveaux grands partis s'assimilent aux “gagnants” et aux “perdants” de la société moderne. Cette analyse solide permet de faire le point, avec un peu de hauteur, sur l'actualité politique du pays.]
Roderick Hudson (1875)
Sortie : 1875. Roman
livre de Henry James
Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
She looked away from him for some moments, down the gorgeous vista of the great church. “But what you say,” she said at last, “means change.”
“Change for the better,” Rowland insisted.
“How can one tell? As one stands one knows the worst. It seems to me very frightful to develop,” she went on.
“One is in for it in one way or another, and one might as well do it with a good grace as with a bad. Since one can’t escape life it’s better to take it by the hand.”
[V. critique.]
Les Cloches de Bâle (1934)
Sortie : 1934 (France). Roman
livre de Louis Aragon
Venantius a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
La situation des femmes dans la société, voilà ce qui révoltait surtout Catherine. L’exemple de sa mère, cette déchéance sensible, dont elle avait devant elle le spectacle, ces vies finies à l’âge où l’homme est à son apogée, l’absurde jugement social qui ferme aux femmes dont la vie n’est pas régulière, tant de possibilités que Catherine n’enviait pas, mais qui étaient pour elle comme ces robes atroces et chères aux étalages, dont on se demande quel corps dément va s’en vêtir et qui pourtant vous font sentir votre pauvreté. Vierge, Catherine se sentait déjà déclassée comme une cocotte. [V. critique]
La Supplication (1997)
Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse
Tchernobylskaïa Molitva
Sortie : 1999 (France). Récit
livre de Svetlana Alexievitch
Venantius a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
“Je me souviens d’une autre nouvelle d’Andreïev : lors de la passion, Jésus passe près de la maison d’un habitant de Jérusalem qui a une rage de dents. Le Christ tombe, en portant la croix, et gémit. L’homme voit tout et entend tout — cela se passe devant chez lui —mais, à cause de sa rage de dents, il ne sort pas dans la rue. Deux jours plus tard, lorsque sa névralgie a cessé, on lui raconte que le Christ est ressuscité. Et il pense alors : “J’aurais pu assister à tout cela, mais j’avais mal aux dents.”
C’est peut-être toujours ainsi ? Mon père a défendu Moscou en 1941. Mais il n’a compris qu’il avait participé à un très grand événement que des dizaines d’années plus tard, grâce aux livres et aux films. Quant à ses souvenirs : “J’étais dans une tranchée. Je tirais. Une explosion m’a enseveli. Des infirmiers m’ont tiré de là, à moitié mort.” C’est tout...
Moi, au moment de Tchernobyl, ma femme venait de me quitter...” [v. critique]
Une histoire de la violence (2008)
De la fin du Moyen-âge à nos jours
Sortie : août 2008 (France). Document, Histoire
livre de Robert Muchembled
Venantius a mis 6/10.
Annotation :
[*Une histoire de la violence* a les défauts des travaux d'ensemble recomposés à partir de monographies : luxueux en détails lorsqu'ils ont été édifiés sur les fondations déjà posées (ici, de passionnantes études sur la violence en Artois et en Bourgogne), ils deviennent moins complets voire allusifs à mesure qu'ils s'éloignent de leur “zone de confort”. Reste qu'il est riche en idées intéressantes : sur le rôle constant et quantitativement écrasant des jeunes hommes dans la violence physique, et sur le lien entre cette violence et les tensions entre générations ; sur les explications multiples du déclin des homicides en Europe occidentale, qui puise à de multiples sources et ne peut être résumé à l'avènement de la “société de cour” ; sur le rôle historiquement civilisateur du milieu urbain et de sa “civilité” érasmienne, à contre-courant des représentations modernes ; sur la très longue occultation des violences au sein de la famille ou de l'infanticide, quasiment absents des sources médiévales ; sur les faux-semblants des “supplices” de la fin du XVIIIe siècle (la torture judiciaire y était en fait devenue très rare, moins d'un cas pour mille) ; sur la spécificité française que constitue le duel d'honneur, bien plus violent d'ailleurs que ne le laissent penser ses représentations esthétisées. On peut toutefois regretter, d'une part des répétitions — la thèse centrale sur le rôle des jeunes hommes est répétée de manière lancinante — et, d'autre part, une difficulté (compréhensible) à fournir une théorie d'ensemble du déclin frappant de la violence homicide en Occident.]
Demain dans la bataille, pense à moi
Mañana en la batalla piensa en mí
Sortie : 3 avril 1996 (France). Roman
livre de Javier Marías
Venantius a mis 9/10.
Annotation :
[Javier Marias est à son plus brillant et à son plus typique dans ce très beau roman. On y retrouve son écriture hypnotisante et ses longues phrases entraînantes ; le perpétuel vertige de la contingence et de nos trahisons sans importance, “inutiles comme dans la neige glissante” ; le renfort d'une érudition subtile et amusée, comme celle qui disserte sur les liens de la parenté en vieil anglais au milieu d'une errance glauque à Madrid ; et, malgré l'intelligence, un sens de la situation et de la narration, qu'incarnent d'excellentes premières pages. Il faut aimer l'auteur pour prendre plaisir à ce livre singulièrement idiosyncratique, qui me semble d'un accès plus difficile que d'autres de ses œuvres des années 1990.]