Pérégrinations cinématographiques en 2015

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... Ou comment commencer l'année 2015 du bon pied. Un véritable chef d'oeuvre et, bien que différant du traitement qu'en fait le grand Capra, une merveilleuse apologie de la liberté et de la démocratie américaine. L'Extravagant Mr Ruggles offre également, avec un humour des plus savoureux, une très belle réflexion sur les différences socioculturelles entre les Européens et les Américains. Un must, un classique, et un régal !

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Première incursion en territoire fassbinderien, et très belle surprise, il faut dire. Je ne m'attendais pas à un cinéma social si engagé et au cynisme si vigoureux ; car Fassbinder n'épargne personne : ni les communistes, ni les anarcho-révolutionnaires, ni les membres égoïstes de cette famille frappée par le deuil. La noirceur du propos va également de pair avec une brillante analyse du rôle malsain des médias lorsque ceux-ci outrepassent leurs prérogatives, et de la candeur solitaire qui gangrène Maman Kusters, voulant à tout prix honorer - et venger - la mémoire de son défunt mari.

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Résolument placée sous le signe de la découverte, cette année 2015 est l'occasion pour moi de m'aventurer dans la filmographie de cet ogre de Chabrol (non seulement celle-ci fut abondante, mais on sait le rôle de la chair, des repas et des bonnes victuailles dans son cinéma !). Les apparences trompeuses d'un village périgourdin on ne peut plus calme sont prétexte à une intrigue et une mise en scène quasi-hitchcockienne. M le Maudit n'est pas non plus très loin, et on palpe aussi toute l'influence de Lang dans ce film merveilleusement porté par Stéphane Audran et Jean Yanne.

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Il eût été ô combien tentant de sombrer dans la mièvrerie et les bons sentiments dans une histoire qui en avait tous les ingrédients. Mais Arthur Penn insiste au contraire sur les rugosités, les aspérités, les difficultés - et parfois la violence - qui caractérise la relation entre Helen et Annie. Sensuel et profondément tactile à sa manière, ce film déstabilise, déroute, gêne, mais éblouit, et surtout, émeut.

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Ogami Itto et Daigoro reviennent dans ce troisième opus avec une soif vengeresse toujours aussi jouissive, et même si le scénario est somme toute assez convenu, le mélange du chanbara et du western-spaghetti (les paysages sableux, les armes à feu qui s'introduisent pour la première fois) s'avère particulièrement détonant !

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2015 doit être placée sous le signe de la découverte : de réalisateurs ou d'aires géographiques. Ivre de femmes et de peinture permet donc les deux à la fois : m'atteler plus amplement au cinéma sud-coréen, et découvrir l'oeuvre d'Im Kwon-taek. Inspiré de la vie du peintre Jang Seung-Up, ayant vécu au XIXe siècle, dans une Corée encore - mais plus pour longtemps - libre du joug japonais, ce film aux paysages époustouflants m'a doublement convaincu. D'abord, par la gracieuse fraîcheur du trait et du souffle qui animent le pinceau de Jang Seung-Up, où le plein compte autant que le vide. D'autre part, parce que nous est donné à méditer une réflexion sur l'art et le génie, avec tout ce que celui-ci peut avoir d'énigmatique et d'irréductible... Car comment saurait-il germer et prospérer sans l'amour des femmes et l'ivresse ?

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Oeuvre emblématique de la contre-culture hippie, et road-movie absolument grisant, Easy Rider souffle comme un ouragan de fraîcheur. L'esprit de 68 qui se déploie dans des paysages grandioses - ô éternelle wilderness ! - est admirablement porté par un Jack Nicholson de très grande classe (quelle scène de feu de camp complètement hallucinée !). On appréciera tout autant le décalage existant entre nos deux - puis trois - compères libertaires et une société figée, sclérosée, qui conchie tout ce qui fait éclater en mille morceaux les traditions, les conventions et les archaïsmes en tous genres. Il y a donc d'un côté ces bikers sillonnant sans but les routes américaines, et de l'autre côte de la barrière, les sédentaires, les villageois, les familles (d'une manière générale, pourrait-on dire, les communautés) porteurs des racines que les premiers ont arrachées. Certains vous diront que le montage épileptique est inutile/bâclé ; je crois au contraire qu'il participe profondément de cette mise en abîme psychédélique, où images, couleurs et significations ne finissent par coïncider qu'au prix d'un renoncement au formalisme... Et au prix d'un bon pétard !

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La maestria de la mise en scène théâtrale de Fassbinder m'a littéralement fait oublier les deux heures que durent le film, et le huis clos qui ceint les personnages - féminins - gravitant autour de Petra von Kant en est d'autant plus insupportable et tragique. Difficile de trouver une lueur d'espérance dans un espace confiné où tout n'est que rapports de domination, intimidations, manipulations, désespoir, souffrance et solitude. Alors que chacune se heurte sans jamais trouver la lumière ou la voie du bonheur, l’œil du spectateur achoppe sur la douloureuse scène des passions humaines.

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Un film rafraîchissant, qui en dépit de quelques maladresses cinématographiques (une scène de baston kitschissime entre autres), est des plus plaisants à regarder. On peut y apprécier la touchante relation unissant Will et Sean, la cocasse manière de rembarrer un prétendant en citant Howard Zinn - c'est quand même la classe -, ou encore le méandre des contradictions d'un génie pas si génial. Le tout agrémenté de la musique de Danny Elfman, et ça nous fait un cocktail intéressant !

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Rohmer est pour moi au cinéma ce que BHL est à la philosophie : c'est souvent plein de phraséologie pompeuse, de verbiage et de logorrhées, et le pire c'est que c'est filmé à la truelle comme un mauvais téléfilm de France 3 qui passe à 2h30 du mat'. Ce film ne fait pas exception sur ces différents points mais mérite une note un peu plus élevée, car j'ai tout de même apprécié la construction narrative en chapitres autour d'une locution conjonctive "si" qui introduit de la contingence et du hasard dans un jeu politique dont les protagonistes, malgré leur volubilité et leur assurance, semblent finalement être davantage les victimes. Le contexte des élections régionales de 1992 est ici prégnant et donne de l'épaisseur à des réflexions qui semblent encore très actuelles (la relation entre écologistes et socialistes, les apparatchiks vs. les élus du terroir qui ne revêtent pas moins un habitus de parisien). Mais surtout, j'ai trouvé particulièrement pertinentes les réflexions de Rohmer sur le paysage et la géographie rurale/urbaine, à un moment où les frontières entre la ville et la campagne, entre l'urbain et le rural, commencent à se dissoudre. Ultime bémol toutefois : bien que n'ayant pas une importance centrale, les enfants sont incroyablement mal joués.

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Difficile d'annoter une oeuvre si bouleversante, qui parle avec tant de complexité et de tendresse de l'amour, de l'enfance, des relations entre le père et sa progéniture. L'inexorable succession de quiproquos, d'incompréhensions, de malentendus, nous donne envie de traverser la toile et donner à chacun des protagoniste à qui elle manque, la pièce manquante du puzzle incomplet de leur communication. L'incompris est aussi, profondément, un film sur la solitude. La solitude d'un enfant qui dissimule ses déchirements derrière le paravent de ses quatre cent coups, dans lesquels il entraîne son jeune frère. Mais ce vernis se craquelle à mesure que l'irrémédiable absence de la mère prend le dessus ; une mère dont nous ne verrons qu'un tableau et dont nous n'entendrons que le frémissement de sa voix apprenant la langue de Shakespeare, sur un enregistrement audio. Mais l'apogée de ce chef d'oeuvre est cette scène finale si poignante, celle d'un père et d'un fils communiant à l'orée d'un moment tragique, et renouant malgré tout le fil d'un dialogue irrémédiablement frappé du sceau de l'involontaire. Ultime communion qui nous montre, avec une telle puissance émotionnelle, à quel point le septième art peut nous ramener à l'essentiel.

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Qu'on se le dise, les studios Ghibli deviennent indépassables en matière de graphismes et de dessins. Même s'il est difficile de concurrencer H. Miyazaki et Takahata, les paysages de Souvenirs de Marnie sont de toute beauté, des crépuscules sur la baie au doux clair de lune qui sublime la relation énigmatique entre Marnie et Anna. Et si la barque menant au manoir de la première déborde parfois de bons sentiments, le résultat final n'en demeure pas moins convaincant, nous donnant à voir un film d'animation rafraîchissant et poétique.

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Il est de ces réalisateurs qui ont le don de vous subjuguer, de vous fasciner jusqu'à la merveille. Wong Kar-Wai peut se targuer d'en faire partie. In the mood for love m'avait transporté par sa suave sensualité et 2046 avait fait vibrer mes cordes émotionnelles comme une muse ne le pût jamais. Injustement noté sur SC, My Blueberry Nights révèle que la beauté wong kar-waïenne n'a pas de frontière, et qu'à Hong-Kong ou New-York, ces êtres que le hasard réunit à un tournant de leur vie sont toujours aussi touchants. Wong Kar-Wai met en scène comme personne la fortuité mais en même temps la nécessité des rencontres, et ce fichu kairos qui fait que, parfois, nous sommes là trop ou trop tard. Et puis on a envie de dévorer cette tarte aux myrtilles, dans un feu d'artifice gustatif aussi jouissif que l'esthétique flamboyante du maître hongkongais.

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Plus besoin d'afficher le mépris viscéral que j'éprouve pour Godard : je ressorts à bout de souffle à chacun de ses films. Voilà donc un film made in Godard. Du faux-raccord à la pelle comme il sait si bien faire (mais c'est tellement hipster diront les orthodoxes), un propos sur la guerre du niveau de Oui-Oui, des acteurs dignes d'un "Plus belle la vie" slovaque, une scène de cartes postales qui soigne toutes les insomnies. Je mets tout de même deux points, car je me suis réveillé quand j'ai entendu "Lénine", et j'ai souri lors de l'allusion à l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Ça fait bien peu, mes amis...

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On clôt la saga en beauté, dans une ambiance brumeuse, enneigée et mystique, et on regrette presque que ce soit fini !

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http://www.senscritique.com/film/Le_Temps_des_Gitans/critique/45404317

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http://www.senscritique.com/film/La_Poupee/critique/45458444

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http://www.senscritique.com/film/Le_Pigeon/critique/45514816