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"My Darling Clementine", dont le titre semble aussi éloigné du cœur du flim que sa version française, opère ainsi un étonnant mélange des genres : c'est comme si John Ford avait synthétisé les figures incontournables du western classique et les avait mélangées comme ingrédients d'un film noir (notamment les travaux sur les éclairages) qui se jouerait en plein milieu de Monument Valley — dont les paysages magnifiques sont presque transcendants. Les éléments appartenant à des univers différents, presque opposés, ne manquent pas de s'entrechoquer, et la présence d'un acteur shakespearien à la mémoire défaillante commençant son monologue de Hamlet (terminé par Doc) ne manque pas de susciter un certain étonnement. De quoi relativiser la vision purement classique, avec toutes ces notes baroques.

Malgré tout les figures tutélaires un peu rigides du genre sont bien présentes, mais bon, les regretter reviendrait évidemment à reprocher à un film noir de se repaître d'homicides... À côté des positions quelque peu schématiques des gentils romantiques (Wyatt Earp) et des méchants sanguinaires qui tuent d'une balle dans le dos (le vieux Clanton), il y a tout de même la place pour quelques personnages dans les dégradés, à commencer par la figure du Doc, dont on met un certain temps à cerner les intentions, ou encore celles des deux femmes qui gravitent autour du patriarcat. Bien sûr, en toile de fond, c'est le passage de l'état de nature de l'Ouest américain à celui de civilisation qui intéresse en premier lieu Ford, un peu comme sa "Naissance d'une nation" sans cesse retravaillée, avec un flot incessant de symboles qui opposent le vieux monde et l'Amérique moderne.

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C'est un thème qu'on verrait davantage associé à Lang qu'à Milestone, mais la question de la culpabilité criminelle est abordée de manière attrayante dans "L'Emprise du crime", à la faveur d'un quiproquo matriciel. Quand Sam retrouve ses amis d'enfance, Martha et Walter, il ne comprend pas pourquoi ils tirent une gueule d'enterrement quand il leur demande un service — en l'occurrence, un geste de bienveillance à l'égard d'une fille qu'il vient de rencontrer et jouée par Lizabeth Scott, sosie troublante de Lauren Bacall. Mais ce qu'on ne comprend pas tout de suite, c'est que d'une part les deux croient que le revenant est là pour un gros morceau de chantage (une faveur contre son silence au sujet du meurtre de leur enfance), et d'autre part le témoin en question n'a jamais assisté au dit meurtre. Le début d'un long parcours marqué par les échecs, l'amertume des désirs frustrés et des rêves non-réalisés.

Ainsi un film qui nourrit un sentiment de solitude morale plutôt puissant, dans une ambiance désenchantée, avec la figure du pont vers le passé construit par le retour d'un homme qu'on avait oublié, ravivant une ancienne blessure. La peur de voir le secret révélé est assez joliment montrée (un innocent a quand même perdu la vie, il y a de quoi avoir des remords), les débuts cinématographiques de Kirk Douglas sont attachants, et le nœud passionnel entre les trois protagonistes, à travers les consciences torturées, contient une dose de fatalité très appréciable.

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Welles qui veut montrer qu'il est capable de faire un film comme tout le monde, dans l'idée, j'avoue apprécier le culot, ça flatte l'image qu'on a du personnage. Mais on peut aussi regretter que le résultat soit aussi fade, techniquement très propre, mais incapable de faire infuser son suspense ou d'alimenter durablement l'image du mal qui gangrène la société américaine. Le final sur l'horloge est quand même passablement raté, avec le diable poursuivi par l'ange à chaque carillon et ce même ange muni d'une épée qui transpercera le méchant comme ultime châtiment... C'est lourd, tout comme le discours révélateur à table mettant la puce à l'oreille du détective.