Des 555 sonates composées par le claveciniste virtuose Scarlatti (1685-1757), toutes d’une grande inventivité et d’une haute technicité d’exécution, la plupart sont restées inédites de son vivant et aucune ne nous est parvenue en autographe. Et comme ce volume inégalé de pièces forme un ensemble difficile à classer, chacune n’étant d’ailleurs identifiable que par les différents numéros de recensement attribués par les musicologues qui y ont consacré une bonne partie de leur vie, tout est réuni pour favoriser la controverse sur l’exhaustivité ou pas de l’oeuvre authentifiée du génial musicien. Plusieurs grands interprètes, comme le claveciniste américain Scott Ross, connu pour son enregistrement intégral des 555 sonates, s’en sont même amusés en écrivant leurs propres « vraies fausses » sonates, plus scarlatiennes que celles de Scarlatti.
S’emparant du mystère entourant « un musicien plutôt conventionnel, asservi à une vie de cour et de mondanités », pourtant « devenu à cinquante ans passés un compositeur génial et prolifique, capable de publier en l’espace de cinq brèves années (…) l’un des monuments les plus impressionnants que la musique occidentale ait jamais produits », Hélène Gestern a laissé courir son imagination pour nous livrer une histoire, certes assez prévisible, mais suffisamment bien composée pour entraîner le lecteur au bout de sa curiosité.
Brodée à partir des quelques faits historiques connus, et surtout des passions et fantasmes qu’a réellement inspirés un Scarlatti prêtant si bien le flanc à la contrefaçon, l’intrigue se noue autour de la découverte d’une possible 556ème sonate. Malheureusement, sitôt revenue à la surface, la troublante partition disparaît, volée avant même d’avoir pu être dûment authentifiée. Commence une véritable chasse au trésor, impliquant cinq personnages avec chacun un motif très particulier pour désirer la retrouver le premier.
Dès lors, les cinq – un luthier, un ébéniste d’art, un universitaire musicologue, un mécène collectionneur et une célèbre claveciniste – prennent la parole tour à tour, révélant, dans leur quête du graal, le meilleur comme le pire de leurs personnalités et du microcosme musical. C’est au final la passion de la musique, avec ses affres, ses exigences impitoyables et ses drames, mais aussi l’inexplicable alchimie de ses beautés et de ses émotions, qui l’emportera chez certains sur l’ambition, l’appétit du lucre et la vengeance.
Une lecture agréable, à laquelle on se laisse prendre malgré une certaine prévisibilité et l’impression, peut-être, de quelques clichés, parce qu’elle a le mérite, en particulier de nous interroger sur l’indéfinissable Scarlatti dont on aura envie de (re)découvrir la musique, et de façon plus large, de susciter l’émotion à la pensée de toutes ces œuvres en général, malencontreusement amputées, détruites ou perdues au fil des siècles
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