Remarque passa pratiquement 2 ans sur le front, fut blessé, écrivit en 1929 le brûlot "A l'ouest rien de nouveau". Il écrivit d'autres romans comme "les camarades" ou plus tard "l'obélisque noir" sur la délicate période d'après-guerre dans une Allemagne saignée à blanc par la défaite. Mais ces deux romans parlent des anciens soldats qui ont fini par se réinsérer bon an mal an, dans la société.
Dans "Après", (Der Weg zurück) écrit en 1930, Remarque évoque la période du retour à la vie civile, le difficile passage de la vie dans les tranchées à la vie en période de paix.
Le roman commence par un prologue qui décrit les dernières heures de la guerre ; on y sent les frémissements de ce qui pourrait être la paix à certaines sensations comme celles d'un silence inhabituel et on se désole pour ceux qui se font tuer dans les dernières heures. On y sent surtout le formidable espoir qui accompagne la fin des hostilités.
Mais le retour des troupes au pays n'est pas si simple même pour ceux qui, comme le narrateur Ernst et ses camarades sont physiquement bien portants. La vie à l'arrière a continué en l'absence des soldats. La vie à l'arrière s'est adaptée à l'absence des soldats. Certains absents parfois depuis 4 ans ont perdu leur emploi. D'autres, mariés, constatent que leur épouse n'a pas attendu.
Ernst était encore à l'école quand il a été appelé ainsi que la plupart de ses camarades. Il est devenu adulte sous la mitraille. Là, la règle était simple et la vie se résumait à simplement rester en vie : "il suffisait de rester vivant pour que tout aille bien".
Mais lorsque la lutte pour le maintien en vie n'est plus nécessaire, par quoi compenser ? Alors que tout parait futile, alors que les soldats (qui ont défendu le pays, qu'on a envoyé défendre un pays) semblent avoir perdu leur place. Les parents de Ernst ne comprennent plus leur fils qu'ils ont vu partir encore adolescent, qu'ils retrouvent adulte, qui ne peut pas rester plus d'un quart d'heure sur une chaise, qui parle mal, qui se tient mal, qui mange avec ses doigts, que rien ne semble intéresser.
Remarque nous décortique divers comportements entre celui qui va se réengager pensant retrouver la camaraderie du front et qui reviendra déçu, celui qui préfèrera mettre fin à ses jours ou encore celui qui ne parviendra pas à rester dans sa nouvelle position d'instituteur. Même la camaraderie entre anciens soldats s'efface peu à peu.
Surtout Remarque s'interroge sur cette société qui va condamner Albert qui a tué l'amant de sa fiancée pris sur le fait alors que cette même société l'a félicité d'avoir tué tant de personnes qui ne lui avaient pourtant rien fait …
Comme toujours, Remarque s'interroge sur les finalités de la guerre, de ce nationalisme qui conduit à tant d'atrocités.
"Payer l'héroïsme de quelques-uns de la misère de millions d'autres c'est beaucoup trop cher"
Et bien entendu, Remarque s'alarme, à travers ses héros qui aperçoivent un jour dans la campagne paisible une bande de jeunes randonneurs, des Wandervögel, qui entraînés par un adulte jouent à la guerre.
Ce roman écrit un an après "A l'Ouest rien de nouveau", plein d'amertume, souvent bouleversant exprime l'humanisme de Remarque qui, plein de lyrisme, se raccroche à la vie à l'instar de cette nature qui toujours se remet à vivre.
La sève monte dans les troncs, les bourgeons éclatent avec un bruit léger et l'ombre est peuplée des rumeurs de la vie renaissante. La nuit est dans la chambre et la lune avec elle. Et la vie aussi.