De ce second livre de Sinisalo que j'ai lu, je retiens d'abord son inclinaison pour les pitchs improbables : après le Reich de la lune (des nazis réfugiés sur la lune depuis 1945 qui préparent leur retour sur terre), voici avec ce bouquin le trafic et la consommation d'une drogue dure, le piment. Tout y passe, la dépendance, les flashs après un fix, les points de deal, les cultures clandestines. C'est décalé à souhait, mais en définitive, on s'y croirait... Pour autant, cet aspect des choses demeure plutôt anecdotique, s'agissant de la description sociale et dystopique qui constitue tout de même le point majeur de l'ouvrage, j'y reviendrai. Néanmoins, cela structure et oserais-je dire dope le scénario et permet de lui donner l'allure d'un thriller.
Ce qui permet d'éviter le côté morne du narratif de la servante écarlate. Car pour le reste, ça part un peu sur les mêmes thématiques que le bouquin de Margaret Atwood. Mais vues d'un point de vue scandinave et non plus nord-américain. A savoir que l'état a beaucoup plus de poids. Pour en venir au fait, la société finlandaise décrite par Sinisalo a érigé les stéréotypes de genre en système d'organisation sociale. Avec ce côté sain et sanitaire si cher au nazis, dont les sympathisants furent légion dans les pays nordiques. Bon bref, les femmes sont grosso modo des Barbies et les hommes des Kens. Il va sans dire que les hommes commandent, parce qu'ils sont génétiquement dotés du matériel pour le faire et prendre des décisions. Les femmes sont quant à elles futiles et romantiques et totalement dépendantes de leur mari d'un point de vue économique. Et il va sans dire que la vie n'est pas simple pour ceux qui ne rentrent pas dans le moule.
La narration est bien construite, avec une certaine sophistication mais sans complexité inutile, et rend la lecture plutôt agréable : c'est pour l'essentiel un roman choral, dont les deux protagonistes principaux sont à tour de rôle narrateurs. S'y ajoutent, sur la première moitié du bouquin, des chapitres de flashback, écrits sur un mode épistolaire. Enfin, viennent s'insérer de temps à autre quelques éléments de contexte (extraits en particulier de manuels d'enseignement à l'usage des enfants finlandais, mais pas uniquement) qui élargissent le point de vue sur la société qu'a imaginée Sinisalo. Et tout ça nous fait un très bon bouquin.