"L'amour ne procède donc pas de l'esprit, de la faculté de penser. C'est seulement lorsque l'esprit est tout à fait calme, immobile, silencieux, lorsqu'il n'attend plus, ne demande plus, n'exige plus rien, lorsqu'il cesse d'être possessif, jaloux, peureux, anxieux, ce n'est qu'alors que l'amour devient possible. Quand l'esprit cesse de se projeter, de courir après la satisfaction des sensations, des demandes, des besoins, des peurs secrètes qui lui sont propres, qu'il n'est plus en quête d'accomplissement personnel, ni esclave d'une croyance - c'est alors, et alors seulement que l'amour devient possible.
La solitude est la conscience d'un isolement complet; or nos activités n'incitent-elles pas à un repli sur soi? Bien que nos pensées et nos émotions soient expansives, ne sont-elles pas exclusives et sources de division? Ne cherchons-nous pas à dominer, dans le domaine de nos relations, de nos droits et de nos biens, créant par là une résistance? Ne considérons-nous pas toute œuvre comme étant "vôtre" ou "mienne"? Ne nous identifions-nous pas à telle collectivité, tel pays, telle minorité? N'avons nous pas nettement tendance à nous isoler, à diviser et séparer? L'activité même du moi, à quelque niveau que ce soit, tend vers l'isolement; et la solitude est la conscience du moi lorsqu'il est inactif.
Il est indispensable d'être seul, pour connaître cette solitude qui n'est pas due aux circonstances, cette solitude qui n'est pas un isolement, cette solitude qui est créativité, et qui survient lorsque l'esprit ne cherche plus ni le bonheur ni la vertu, n'oppose plus de résistance. C'est l'esprit apte à la solitude qui est capable de découvrir - et non l'esprit qui s'est laissé contaminer, corrompre, par ses propres expériences. Ainsi donc, la solitude dont nous sommes tous conscients, si nous savons la regarder, pourrait bien nous ouvrir la porte du réel".