Le Premier Homme par Sarah Van Vooren
"C'était ainsi chaque fois qu'il quittait Paris pour l'Afrique, une jubilation sourde, le cœur s'élargissant, la satisfaction de qui vient de réussir une bonne évasion et qui rit en pensant à la tête des gardiens. De même que, chaque fois qu'il y revenait par la route et par le train, son cœur se serrait aux premières maisons des banlieues, abordées sans qu'on ai vu comment, sans frontières d'arbres ni d'eaux, comme un cancer malheureux, étalant ses ganglions de misère et de laideur et qui digérait peu à peu le corps étranger pour le conduire jusqu'au cœur de la ville, là où un splendide décor lui faisait parfois oublier la forêt de ciment et de fer qui l'emprisonnait jour et nuit et peuplait jusqu'à ses insomnies. Mais il s’était évadé, il respirait, sur le grand dos de la mer, il respirait par vagues, sous le grand balancement du soleil, il pouvait enfin dormir et revenir à l'enfance dont il n'avait jamais guéri, à ce secret de lumière, de pauvreté chaleureuse qui l'avait aidé à vivre et à tout vaincre".