Largement posthume, le premier homme est la première partie inachevée d'un ensemble prévu de deux ou trois livre autobiographique que Camus avait prévu.
J'avais trouvé Les Justes particulièrement bien écrit, en plus de l'importance des questions soulevés, du brio avec lesquelle elles sont traités.
En revanche les deux autre romans de Camus que j'ai lu avant, la peste et la Chute (ainsi que l'Etranger dans un style légèrement différent) sans rien enlever à la valeur pédagogique de la pensée de Camus et bon compléments des essais et pièce de théâtre
En cela Le premier homme me réconcilie avec la plume de Camus, et quelle réconciliation.
Pour la première fois, la plume de Camus prends une douceur que je ne lui connaissais pas. Dans les descriptions de la mer, du ciel et des villes d'Algérie. Dans la tendresse qui raconte avec précision les jeux d'enfants sous le Soleil et dans la poussière, les copains. Respect teinté de mélancolie et parfois d'amertume envers sa terre natale d'Algérie, déchirée par les violences.
Tendresse surtout pour sa mère modèle d'innocence muette et docile, qui contrairement aux autres personnages réel, les défauts, si ils ont été vus resteront cachés. L'oncle Ernest sourd un peu limité, mais à la bienveillance solide, la grand mère un femme forte mais pouvant être violente
La figure de Monsieur Germain instituteur du jeune Albert et qui fut indispensable à son succès et à son éducation. L'admiration pour son savoir et sa justice de Camus devenu homme transparaît encore 35 ans plus tard, mais n'empêche pas de rappeler que l'homme frappait ses élèves. Nous l'aurions sans doute revus.
Alors bien sur, l'oeuvre est incomplète. Difficile de cerner (le renouveau de ? ) la pensée de Camus, qui parle tellement souvent de la lutte face au mal, qui refuse avec tant de force les simplifications et séparations entre le camps des gentils et celui des méchants, alors que les violence des guerres et surtout celles d'Algérie ne font que commencer.
Pourtant nous sommes tellement loin du cynique La Chute (1956, 4 ans avant le décès du prix Nobel) . De la part d'un homme qui a pensé comment vivre (en pleine occupation) un monde absurde et sans Dieu, la Chute faisait figure d'échec et de renoncement. Le premier homme nous montre un auteur réconcilié.
Le premier homme c'est Jacques Comery, qui est Camus, qui est tous les orphelins privés de père et dont la pauvreté, l’illettrisme prive de passé et de transmission. C'est l'enfant qui n' a pu se recevoir, et qui a du tout inventer.