Samantha Starr, surnommée Manty, est la fille d'un riche planteur du Kentucky. Elle est élevée par un père aimant et entourée d'esclaves. Mais à la mort de ce dernier, elle apprend que sa mère était une esclave et que son père a d'énormes dettes. Elle est donc vendue avec les autres à un marchand d'esclaves. Envoyée à la Nouvelle-Orléans, elle débute une vie de servitude alors que la guerre de sécession se profile.


L'histoire nous est racontée par Manty. On le suit pendant plusieurs décennies. Elle évolue aux grès des rencontres et des revers qu'elle subit. C'est une héroïne forte que l'on voit échouer, hésiter mais aussi triompher. Tout en nuances et en contradictions, c'est un personnage terriblement réaliste. Malgré sa condition d'esclave et son absence de liberté, elle mène à la Nouvelle-Orléans une vie de blanche. Son propriétaire, Hamish Bond, ne lui donne aucune tâche et l'entoure d'attentions. Elle est néanmoins tiraillée entre diverses aspirations et peine à trouver sa place.


La grande question du roman est celle de l'identité. "Qui suis-je" se demande Manty. Ses origines lui sont révélées avec violences lors de la mort de son père. Le seul indice de son sang noir sont ses cheveux légèrement crépus. Néanmoins la vérité sur sa mère lui apparaît très vite crédible. Elle comprend alors certains agissements de son père et certains propos qu'ont tenus les esclaves dans son enfance. Mais elle n'est pas la seule à chercher son identité. Hamish Bonb, l'homme qui l'a achetée, se cache sous un nom d'emprunt et s'est construit une seconde vie. Seth Parton, un jeune homme en quête de la "Vérité Divine" est malgré lui attiré par la sensualité. Tous les personnages semblent porter des masques qui finalement se craquellent.


"Avant ce moment, qui donc avais-je été, moi, Amantha Starr ? J'avais été définie par le monde qui m'entourait - par les grands arbres et l'âtre rougeoyant de Starrwood, par les classes nues et les cantiques d'Oberlin, par les visages amicaux et pleins de sollicitude qui s'étaient penchés sur moi. Les visages de tante Sukie, de Shaddy, de Miss Idell, de Mrs Turpin, de mon père, de Seth Parton. Et maintenant qu'ils étaient loin, fondus dans le désert de l'absence, je n'étais plus rien."

C'est un livre sur la fin du vieux Sud et la remise en cause de l’évidence du rapport maître/esclave. La guerre de sécession n'apaise pas les tensions mais les accentue. Le passage des armées yankee déstabilise tout le monde.


C'est un roman qui prend son temps. Les personnages se dévoilent petit à petit et on arrive à les comprendre et à se mettre à leur place. Les anciens esclaves, comme les soldats confédérés, peuvent tuer ou se montrer vils aussi. C'est un récit qui mêle les aspirations individuelles au tourments de l'histoire avec brio.

Anaïs_Alexandre
7

Créée

le 18 nov. 2017

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