Ce roman est très bien écrit, (c’est difficile d’ailleurs, d’expliquer en quoi un livre est bien écrit. Mal écrit, c’est simple, bien écrit, c’est plus compliqué. Je pense que c’est dans l’association d’idées éloignées, dans le tissage régulier avec quelques fausses notes qu’on peut trouver la beauté ). Chaque phrase, chaque idée recèle une pièce du puzzle. Il n’y a pas de nœud (de fil rouge), plus des réseaux d’intrigues qui se rejoignent parfois (comme la vie, en fait), mais pas toujours. Si j’ai mis un certain temps à me sentir impliquée, c’est parce qu’on ne saisit pas immédiatement de quoi on veut nous parler. C’est diffus, c’est comme des pensées trop abstraites pour être expliquées.
Ce qui est intéressant, c’est ces prolepses : on va toujours de l’avant (quitte à taire l’entre-deux). Et ça donne la même impression étrange que quand parfois on est dans sa chambre, et qu’on se dit « ah tiens, c’est vrai, ma commode était là il y a un an », comme si le passé se superposait en accéléré au présent. (le père qui devient soudainement aveugle, par exemple, le mariage, tout à coup, ça reproduit vraiment cette plasticité du temps). Et parallèlement, on assiste aussi à la fragilité du destin : le champ de tous les possibles qui se referme, comme un carrefour bouché, comme voir tous les chemins qu’elle n’a pas empruntés.
Il y a quelque chose d’évanescent, de fondu, c’est comme un bonbon sur la langue. Je suis touchée, sans réussir à comprendre pourquoi (et je pense que c’est la grande réussite du roman. On ne peut pas le réduire à une thématique, à une intrigue). Mais d’un autre côté, c’est aussi le défaut majeur. Parce que quand l’on dévie trop, on ne sait plus trop ce qu’on lit. J’ai ressenti une frustration au début et à la fin (la boucle est bouclée au moins :D). Donc un livre à lire, surtout si vous aimez la littérature-aquarelle (quand ça bave et dépasse).