Tentant d’expliquer le succès du FN en évitant tout jugement moral surplombant et en se tenant « à hauteur d’homme », Laurent Bouvet, figure de la Gauche populaire, poursuit en quelque sorte (et à quelques réserves près) le travail entrepris par le géographe Christophe Guilluy, à l’origine de la notion d’insécurité culturelle. Celle-ci se voit alimentée par les inquiétudes générées par la mondialisation, l’UE et l’immigration, elle double l’insécurité sociale dont souffre déjà une partie de la population et touche autant, quoique pour des raisons souvent différentes, les indigènes et les allogènes. L’auteur veut conjuguer ces deux types d’insécurité, évitant d’un côté l’écueil de la réduction culturaliste (qui fait à la fois le jeu du racisme et de l’anti-racisme officiel) et de l’autre celui d’une analyse marxiste trop étroite qui tend à négliger le rôle de la superstructure au profit d’une infrastructure strictement économique. Dans la sociologie dominante et le discours médiatique, toute préoccupation identitaire est hélas ramenée à une expression de xénophobie dès qu’elle est le fait d’autochtones, et « parler culture et identité ne serait a priori légitime et admis que pour dire les difficultés des minorités issues de la matrice multiculturelle ».
Bouvet, qui s’inscrit dans « la longue tradition du républicanisme civique », s’oppose à ce que les Anglo-saxons appellent l’identity politics et se méfie beaucoup des discours autour de la diversité (toujours valorisée lorsqu’elle est culturelle et identitaire, toujours tue lorsqu’elle est sociale), lesquels se ramènent souvent à un « un moyen déployé par une partie des élites pour protéger leur autoreproduction et faire accepter l’absence de mobilité sociale à la grande majorité de la population ». Illustrant sa thèse par de nombreux sondages touchant au ressenti des Français, il appelle, pour résoudre cette double crise sécuritaire, à donner à l’avenir la priorité à ce qui nous est commun sur ce qui nous est propre.