"Cette histoire aurait pu tout aussi bien se dérouler à Paris, Londres ou Delhi ; dans n’importe laquelle de ces capitales où prévaut le culte de l’apparence et du luxe, où la pétillante ivresse du shopping peut se transformer en drogue, et le paradis en enfer. Car le club des passionnées de beauté compte des alliées dans le monde entier." Certes, oui, mais jusqu'à un certain point. La beauté du diable est avant tout le portrait d'une femme japonaise d'aujourd'hui, délaissée par son mari et qui va sombrer dans la dépendance. Une véritable "shopaholic", addiction qui va la conduire à mentir, s'endetter et, bien pire encore. Ce roman sur la condition féminine au Japon est écrite par une indienne, Radhika Jha, laquelle y a passé 6 ans de sa vie. Si le livre est nippon jusqu'au bout des ongles vernies de son héroïne, il n'en conserve pas moins un très léger recul, presque imperceptible, le regard d'une étrangère sur une société plus que jamais patriarcale. D'une certaine façon, les temps n'ont pas tellement changé depuis les années 50 quand apparaissaient sur les écrans certains (superbes) films féministes de Kenji Mizoguchi ou Mikio Naruse. Le livre est un peu inégal, cependant. Répétitif, parfois, heureusement traversé de scènes magnifiques comme celles du temple. Le personnage le plus fascinant est celui de Tomoko, l'amie suicidée de la narratrice, une "fashion victim" dont le vice cache une dépression et une solitude profondes. Son ombre plane constamment au-dessus de celle qu'elle a poussé vers un bonheur éphémère et les voies de la perdition. Femme de diplomate, Radhika Jha vit désormais à Pékin. Son prochain roman nous contera t-il l'émancipation de la femme chinoise ? Même en émettant des réserves sur La beauté du diable, on demande volontiers à lire.