Cette citation extraite du livre permet à elle seule de résumer la lecture de cet ouvrage, riche en anecdotes à la fois réelles, avérées et basées sur des statistiques mais aussi fictives, des histoires qui racontent à quel point le sexe féminin a pu être brimé au cours des millénaires passés et le sera probablement, malheureusement encore à l'avenir.
La Chair Interdite de Diane Ducret n'est pas un livre féministe (l'auteure elle-même refuse de se qualifier en tant que telle). C'est d'abord un livre sur les femmes qui s'adresse à tout le monde, de par son style fluide et son propos facile d'accès. On se retrouve donc dans des thématiques multiples qui ont toute un point commun, le sexe féminin. Par sexe, j'attends bien l'organe, et non pas le genre. Ducret voyage et nous emmène avec elle à travers les époques, faisant sans cesse des pas en avant puis en arrière sans ne jamais perdre le lecteur. Mention spéciale pour les annotations d'ouvrages qui témoignent réellement d'un travail de documentation colossal, sachant que le nombre approche à peu près les quatre-cents...
J'ai donc appris des tas de choses, sur mon sexe. Pas en termes d'anatomie (humour) mais au sujet de son passif collectif, de tout ce qu'il a eu à subir par le passé. Certains passages sont pour le mieux assez drôles, comme ce poème dans lequel Ronsard reproche à sa dulcinée de lui préférer un godemichet pour se donner du plaisir, ou encore les légendes amérindiennes dans lesquelles des hommes vaillants et courageux ont vaincu le vagin des femmes dont la légende rapporte qu'à l'origine celui-ci était denté et ne laissait passer personne. D'autres sont instructifs, comme ces luttes dans lesquelles des femmes de différentes peuplades ont gagné leur combat pour la paix soit en faisant le choix à plusieurs de l'abstinence forcée pour inciter les hommes à déposer les armes, soit en bravant la censure visuelle imposée par la morale religieuse à leur sexe en l'exhibant allègrement jusqu'à ce que leurs revendications soient acceptées. Mais surtout, la plupart des passages sont horrifiants, et ne peuvent que susciter de la colère.
Où on apprend que le viol est réellement devenu une description massive des femmes au 20ème siècle pour des raisons politiques. Ici dans les Balkans en guise d'épuration ethnique, pour forcer des femmes à avoir des enfants d'une population différente de la leur. Là en Algérie où des hommes ont reçu les pleins pouvoirs pour déloger les rebelles lors de la guerre, allant jusqu'à vérifier le sexe des Kabyles pour décréter si sous le voile il s'agissait d'un homme ou non. Où on apprend que jusque dans les années 30 encore en Europe des chirurgiens pratiquaient l'excision pour combattre un mot que tout le monde prononce sans que personne ne sache ce dont il s'agit vraiment au fond, l'hystérie. Où on apprend que Freud, l'un des pires imposteurs qui n'ait jamais existé a décrété sans fondements scientifiques véritable ni connaissance personnelle de la chose que le clitoris amenait à un orgasme immature, quand le seul orgasme considéré comme valable dans sa légitimité est l'orgasme vaginal, obtenu forcément par pénétration. Et encore aujourd'hui, des dégâts de tout cela perdurent : combien sont encore les individus à croire qu'il existe deux types d'orgasmes féminins, quand il n'y en a qu'une origine qui ne nécessite aucun pénétration ?
Le livre se conclut en un épilogue ni alarmiste, ni excessif, ni émotionnel, mais en un épilogue dans lequel Ducret nous demande d'être attentives (et attentifs !) à ce que nous sommes, d'y réfléchir, à ce que nous pouvons en faire et surtout à ne jamais nous laisser marcher dessus parce que nous serions considérés comme une menace par des sous-hommes. Je m'en vais appliquer ce principe. On ne nait pas femme, on le devient.