On a cru longtemps, à la suite de Galien, que les organes sexuels féminins n’étaient que des organes masculins inversés, tournés à l’intérieur du corps pour y trouver la chaleur. On a longtemps pensé, comme les médecins de Catherine de Médicis, que l’infertilité était détectable par l’haleine, postulant l’existence d’un conduit direct entre la vulve et la bouche. On a supposé, comme le docteur Jean Bienville, que la consommation de café ou de chocolat favorisait les « fureurs utérines ». On a allégrement pratiqué la clitoridectomie, considérant le clitoris comme un vestige pénien ou comme une zone érogène infantile indigne d’une femme adulte. On a cru, comme certains savants du XIXème siècle, que la danse poussait à l’onanisme en congestionnant l’utérus, tout comme l’équitation ou l’utilisation de la machine à coudre.
C’est l’histoire de la méconnaissance du sexe féminin que trace Diane Ducret, continuant de s’intéresser à la question féminine après ses deux volumes consacrés aux femmes de dictateurs. Elle papillonne d’un sujet à l’autre : l’histoire des sages-femmes, celle des godemichés (moqués par Ronsard), celle des ceintures de chasteté (dénoncées par Voltaire), celle de l’industrialisation des tampons hygiéniques, celle du viol de masse comme arme de guerre ou encore celle du statut de la toison pubienne et de son absence. « Signe d’esclavage chez les Grecs, de punition d’adultère à Sumer, de soumission en Chine impériale ou de collaboration horizontale à la Libération, le sexe chauve apparaît à présent comme le comble de la modernité et de l’émancipation féminine. » On passe du martyre d’Agathe de Sicile aux provocations picturales d’Egon Schiele, de l’indignation de Maupassant face à la reductio ad hysteris aux méthodes médicales soviétiques pour accoucher sans douleur, de la traduction anglaise du Kâma-Sûtra par un diplomate britannique aux exhibitions de la Vénus hottentote dans les foires européennes, des mythes ancestraux du vagin denté aux théories modernes du point G, du scandale de L’origine du monde de Courbet exposé dans l’appartement de Lacan à la querelle entre Freud et Marie Bonaparte autour de l’orgasme féminin, des idées de Lénine sur l’avortement aux opérations de labioplastie ou à l’influence de Lysistrata sur les luttes féministes colombiennes. Un essai un peu désordonné et qui se contente d’effleurer les problèmes mais qui constitue une introduction claire et facilement accessible à ceux qu’intéresse cette question délicate.