Eric Reinhardt avait déjà usé de l'autofiction dans L'amour et les forêts mais la narration l'utilisait de façon intelligente et lui ajoutait même de la force. Ce n'est plus le cas dans La chambre des époux qui part du récit du cancer finalement vaincu par sa femme (avec son aide active dans le rôle de l'accompagnateur qui a pour mission de terminer son roman). Passons sur la panne créative qui s'ensuivit jusqu'à sa rencontre avec une autre femme tout juste remise de la même maladie. Sidération de l'auteur qui imagine alors une fiction qu'il n'écrira pas mais qui constitue la trame reconstituée de la deuxième partie de La chambre des époux. Hormis quelques rares passages, le livre est fastidieux, alourdi par un style bien souvent ampoulé. C'est que Reinhardt entend d'une part faire oeuvre originale, hors des sentiers battus du roman classique et d'autre part exalter un romantisme noir et morbide qui est sa marque de fabrique. Toutefois, dans la répartition des rôles, l'auteur est plutôt traditionaliste : à l'homme, artiste (écrivain ou compositeur), la santé florissante et le génie de la création ; à la femme, la faiblesse de la maladie et le bonheur d'avoir quelqu'un qui veille sur elle et la soutienne. Agaçant, d'autant que Reinhardt aime beaucoup parler de lui, de son désintéressement, de sa modestie et de son altruisme, ce dernier cependant systématiquement dirigé vers de jeunes femmes atteintes dans leur chair. Chaque lecteur a sa propre sensibilité, évidemment, et La chambre des époux ne peut qu'engendrer des réactions très diverses. Difficile pourtant de ne pas voir dans le livre un exercice égocentrique pas très plaisant à lire, vu le sujet.