A la lecture de l'argument du dernier roman de James Frey, Le dernier testament de Ben Zion Avrohom, deux sentiments contradictoires bousculent le confort du lecteur : méfiance et confiance. Méfiance, car cette histoire de messie moderne, vivant à New York, semble propice à tous les débordements possibles. Confiance, malgré tout, parce que Frey est l'auteur de L.A Story, un roman fracassant de talent. Au bout du compte, les deux a priori sont justifiés. L'auteur possède un don narratif incontestable et Le dernier testament ..., bâti sur les "témoignages" de ceux qui ont connu le nouveau Christ, lui permet de varier les styles et les effets, de donner vie à une foultitude de personnages et de composer une fresque graphique des bas fonds de l'Amérique, d'une justesse redoutable. Le revers de la médaille est dans la propension de Frey à forcer le trait, en tirant à boulets rouges sur la société du capitalisme triomphant, en fustigeant les hypocrisies de toutes sortes sans nuances, en jouant au provocateur avec son messie qui fornique comme un diablotin, qui rayonne comme une publicité sur Times Square, et qui évoque la Bible comme "un tissu de conneries" (sic). A la longue, la charge est tellement répétitive qu'elle prend la forme d'un pétard mouillé. Davantage de subtilité et moins de redondance n'auraient pas fait de mal. Reste la qualité de conteur de James Frey, inaltérable, qui rendrait presque le fond de cette histoire crédible. Amen.