Beau reportage sur le tigre de Sibérie, gâché par de bizarres considérations mystico-idéologiques.
Ce récit de 2010, traduit en 2011 aux intéressantes éditions Noir Sur Blanc, aurait pu constituer une grande et puissante actualisation au 21ème siècle du "Dersou Ouzala" (1923) de Vladimir Arseniev, rendu célèbre par le film d'Akira Kurosawa. Cette histoire patiente de chasse dans l'Extrême-Orient ex-soviétique, où un tigre, espèce désormais (enfin) protégée, doit être toutefois abattu après qu'il ait tué deux hommes, transmet fort habilement le quotidien des personnes impliquées, chasseurs, trappeurs ou gardes forestiers, et spécule souvent intelligemment sur les motivations de l'animal.
Hélas, l'ensemble est lourdement gâché par des accès de mysticisme parfois surprenants, et davantage encore par un ressentiment idéologique vis-à-vis du communisme soviétique qui fait surgir l'ombre de Staline dans les circonstances souvent les plus invraisemblables, ce qui fait sourire au début, mais finit par largement agacer...
"Le lendemain était un samedi. Dès les premières heures du jour, Iouri Trouch et deux de ses coéquipiers, Alexandre Gorboroukov et Sacha Lazourenko, s'entassèrent à bord d'un camion des surplus de l'armée et firent route en direction du nord. Ils avaient revêtu pour l'occasion des treillis militaires thermo-isolés et s'étaient armés de couteaux, de pistolets et de carabines semi-automatiques. Dans cette tenue, les Tigres, selon le surnom qu'on donne parfois à ces inspecteurs, ressemblaient moins à des gardes-chasses qu'à une unité spéciale d'intervention en milieu forestier. Leur Kung, un camion militaire de fabrication russe servant au transport de matériel, avait vingt ans d'âge. Équivalent d'un 4 tonnes Mercedes, ce véhicule utilitaire fonctionnant au gazole est équipé d'un treuil, de quatre roues motrices ainsi que d'énormes pneus montant à mi-hauteur d'homme, ce qui fait de lui le moyen de transport idéal pour explorer l'arrière-pays du Primorié. Le modèle dans lequel avaient pris place les inspecteurs avait été spécialement aménagé pour accueillir des couchettes de fortune et contenait une semaine de vivres pour quatre hommes. Il était en outre muni d'un râtelier d'armes, de crochets pour suspendre des bidons de carburant et d'un poêle à bois, le minimum indispensable pour que ses passagers puissent survivre en cas de panne, même en plein cœur de la forêt."