Un mort frappe à la porte d’un appartement parisien, malmené par des brancardiers. Cette première scène comique et macabre est racontée par une narratrice dont le vœu le plus cher est rapidement formulé : « devenir un caillou », se retirer du monde et arrêter de ressentir quoi que ce soit. Elle revient sur sa relation passée avec son voisin suicidé, voisin qui concevait pour elle un dessein paradoxal : la sculpter tout en lui rendant la vie. Pourquoi se rendait-il si fréquemment en Corse ?
À partir du désir minéral de la narratrice, Sigolène Vinson construit dans Le Caillou un voyage halluciné à travers l’espace et le temps en jetant des éclairages contrastés sur cette femme désespérée et courageuse, qui « avec le temps n’est plus si jeune.» Elle mêle les odeurs marines et végétales aux effluves d’alcool dans des paysages brûlés par le sel et le soleil où la mort rôde, tandis que des personnages simples mais extraordinaires ont des discussions existentielles et comiques. On pourrait se croire dans un polar de Fred Vargas.
Après quatre chapitres tissant puis dévoilant sans ambiguïté une intrigue en apparence simple mais inédite, écrits dans un français aérien et poétique qui se pique d’être vulgaire, le lecteur prend conscience qu’il a été plongé dans un bouillon de culture peuplé de symboles et de figures mythologiques ; une matière littéraire violemment vivante qui continuera d’évoluer en lui une fois le roman refermé.