Fin 2009, la vie de mon père bascule dans l’effroi, très rapidement, et devient immobilité en quelques heures, d’abord la perte de la motricité de ses jambes, puis le torse, les bras, la nuque, tout son corps se retrouve pris au piège dans son enveloppe , pour seul mouvement possible les cils. Il ne lui reste que le muscle du diaphragme qui continue de fonctionner jusqu’à ce que celui-ci s’amenuise aussi. Il perd petit à petit la possibilité de s’alimenter seul, faire sa toilette, et tous les gestes quotidiens que nous faisons machinalement, sans y penser, sans y accorder quelconque intérêt.
Mon père devient telle une statue de cire sur son lit d’hôpital , la vision du plafond l’accompagnera presque deux ans , les mouches dont parle Pinault dans son livre, viennent le chatouiller et il ne pourra rien y faire, cloué en soins intensifs, avec pour seul lien à la vie, les tuyaux branchés de toute part, pour respirer, manger, uriner, on pourrait y voir une allusion au personnage principal dans Crime du futur de Cronenberg. Le livre de Claude Pinault décrit parfaitement toutes les épouvantables étapes éprouvées par mon père, des premiers symptômes, dans sa forme la plus grave, de la condamnation de l’équipe médicale à rester à état végétatif sur un fauteuil roulant , jusqu’à la voie de la guérison, en pente douce.
Un père sportif, judoka, karatéka, cycliste, avec une hygiène de vie rigoureuse, et un mental d’acier, c’est ce qui l’a sauvé.
Alors merci Claude Pinault pour ce témoignage parfois cru, vrai, sans dentelle, qui m’a aidé à accompagner mon père dans cet enfer de l’enfermement, de la prison du corps. Un père qui est parti au combat et qui est revenu au bout de trois ans de lutte infernale de cet état glacial et figé dans lequel il s’est retrouvé pris au piège sans crier gare.
Ce livre est à lire pour comprendre profondément cette maladie rare et peu médiatisée, le syndrome de Guillain-Barré.