On aura rarement trouvé autant de misère concentrée dans un seul livre, et pour cause ; il semblerait que le malheur se soit abattu spécialement sur la famille Shepherd, dont l'auteur dresse ici un portrait mouvant, de 1925 à 1980, dans le décor féroce d'un pays en pleine maturation.
Les Shepherd portent bien leur nom : ils sont un troupeau constitué d'un mari, d'onze enfants et d'une petite-fille, un troupeau qui avance avec peine sous la houlette d'un pâtre implacable : la mère, Hattie. C'est elle qui intéresse véritablement l'écrivain comme il permet aux autres personnages de la décrire, de l'étudier sous différents angles, avec en bout de ligne une question : Hattie est-elle une bonne mère ?
L'écriture est crue, dure, jamais indulgente. Les pages et les thèmes défilent, visitant la pédophilie, l'adultère, le traumatisme, l'alcoolisme, la perte d'un enfant, la défiguration, la maladie, le suicide, la folie, etc., tous procédant de la pauvreté. Non, ce n'est pas un roman joyeux, et non, les personnages ne sont pas sympathiques (certains sont même carrément négligés).
Sans être tire-larmes, ce kaléidoscope déprimé du genre humain nous porte sans mal dans l'obscurité de la Pennsylvanie, à la découverte d'une famille noire-américaine comme il n'en existe plus.
(Le roman aurait obtenu une meilleure note s'il n'y avait pas eu cet abominable dernier chapitre qui détruit tout ce qui a été précédemment échafaudé.)