Cieux contraires
Eleanor Catton s'inscrit dans une lignée courte mais remarquable d'écrivaines néo-zélandaises : Katherine Mansfield, Keri Hulmes (également récipiendaire du prix Booker), Janet Frame, etc. Son prix...
Par
le 5 nov. 2019
2 j'aime
Eleanor Catton s'inscrit dans une lignée courte mais remarquable d'écrivaines néo-zélandaises : Katherine Mansfield, Keri Hulmes (également récipiendaire du prix Booker), Janet Frame, etc. Son prix Booker de 2013 a été l'occasion de plusieurs records : celui du plus jeune auteur récompensé et du plus long livre primé.
Conformément à ce paratexte encourageant, The Luminaries commence très fort. Un nouvel arrivant dans la ville de Hokatika, gonflée par une ruée vers l'or, dérange sans le vouloir un groupe hétéroclite de douze hommes, réunis dans le salon d'un hôtel bas de gamme. Les raisons de cet étrange conseil vont être révélées avec une extrême maîtrise narrative par Catton, qui donne tour à tour la parole à ses différents personnages. On a le sentiment que l'autrice, très inspirée par le roman victorien, s'autorise des moments de pastiche, par exemple en faisant planer sur l'histoire un élément surnaturel.
Malgré la taille assez imposante du dramatis personae, qui n'est pas restreint aux 13 premiers, Catton caractérise très finement chacun des présents, d'une manière assez originale : ses personnages sont toujours saisis en flux, par leurs oscillations entre différentes humeurs et tendances, plutôt que par une description statique, comme si l'âme humaine était davantage susceptible d'une hydrologie que d'une géologie.
Cette impeccable promesse narrative s'effrite malheureusement à mesure que le roman progresse, et notamment dans ses dernières pages. Là où tout paraissait orchestré par une totale nécessité - celle de l'auteur omniscient autant que celle des astres -, le dénouement du mystère, autour d'Emery Staines notamment, est modérément convaincant.
De même, les procédés narratifs ne séduisent pas toujours : la réduction progressive des chapitres et l'absorption de leur substance par les chapeaux, très originale en soi, s'articule à mon avis assez mal avec la substance du roman. Avec un peu de bonne volonté, peut-être pourrait-on dire que The Luminaries sont une critique du roman traditionnel, qui implose pour se résoudre dans quelques bribes poétiques. Reste que c'est une critique vouée à l'échec (self-defeating, diraient les anglo-saxons) que celle qui illustre avec autant de talent son objet.
Je préfère en retenir que The Luminaries est un roman très talentueux, admirable d'intelligence narrative, sans toutefois trouver une conclusion pleinement satisfaisante. Restent tout de même plusieurs centaines de pages de plaisir pour le lecteur, sur les côtes méconnues des antipodes.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2019
Créée
le 5 nov. 2019
Critique lue 210 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Les Luminaires
Eleanor Catton s'inscrit dans une lignée courte mais remarquable d'écrivaines néo-zélandaises : Katherine Mansfield, Keri Hulmes (également récipiendaire du prix Booker), Janet Frame, etc. Son prix...
Par
le 5 nov. 2019
2 j'aime
Ce pavé n'est qu'un gros exercice de style: l'autrice s'est amusée à écrire à la manière des écrivains du XIXe siècle, s'éternisant sur les descriptions et les états d'âmes de ses personnages,...
Par
le 15 mars 2018
1 j'aime
Hokitika en Nouvelle-Zélande, c'est le lieu où prend encrage ce gros roman de plus de 980 pages. Walter Moody, jeune Britannique en quête d'une nouvelle vie débarque sur la Côte Ouest et plonge dans...
Par
le 28 juin 2016
Du même critique
La Loi du sang propose une synthèse de la vision du monde nazie, comme le résume curieusement son sous-titre, “Penser et agir en nazi” (on se sent obligé, lisant le livre en public, de préciser à ses...
Par
le 19 janv. 2019
10 j'aime
7
Diadorim est l'unique roman de l'auteur brésilien João Guimarães Rosa. Son titre portugais, Grande Sertão: Veredas, a la caractéristique de contenir deux mots intraduisibles sur trois — le sertão,...
Par
le 18 févr. 2018
10 j'aime
4
Middlemarch est à la fois intimidant par son volume, et étonnamment simple malgré lui. Son millier de pages n’est pas prétexte à la multiplication des personnages — bien que le dramatis personae de...
Par
le 4 avr. 2020
9 j'aime
3