Long week-end
7.6
Long week-end

livre de Joyce Maynard (2009)

Difficile, pourrait-on dire, de concevoir une histoire plus troublée et plus troublante : un évadé de prison se cache pour plusieurs jours chez une mère et son fils de 13 ans, et les trois entament une vie de famille… Le schéma ne met pas très à l’aise, semble riche en situation, cela semble un excellent pitch pour une histoire trouble. Mais le schéma se fait plus troublant encore quand on observe les personages eux-mêmes, dans la mesure où le personnage le plus perturbé n’est pas l’évadé condamné pour meurtre, mais la mère solitaire, à l’équilibre noyé dans son vieux chagrin. Maynard instille certes le trouble dans son trio au rythme un peu décalé & malsain (l’évadé prend ainsi plaisir à décaper les volets ou nettoyer le carrelage avec soin), mais elle cherche surtout à nous plonger dans la vie difficile d’un couple mère - fils. Le désespoir de la mère semble extrême, sa difficulté à vivre à la fois horrifiante & touchante, et sa douleur vis-à-vis de ses problèmes de grossesse frappent terriblement, au coeur d’un chapître du milieu du livre. Le personnage de l’ado n’est peut-être pas aussi surprenant, on en lit pas mal, des ados déconnectés, un peu solitaires, un peu troublé par le désir naissant et les adultes difficiles à lire - mais le ton sonne juste. Car Maynard parvient, si l’on y songe, à un certain tour de force, dans sa capacité à rendre plausible ce schéma incroyable : un évadé vivant plusieurs jours une vie de famille avec une mère et un fils ravis de sa présence, et retrouvant même foie en la vie grâce à lui. Tout cela tient par la juste des douleurs personnelles décrites, car les trois peines de ces trois individus seules expliquent l’équilibre qui s’installe, trois tristesses qui se soutiennent comme les trois piquets d’une nouvelle tente douillette, et tellement difficile à imaginer pour le monde extérieur. On imagine le dénouement de ce long-weekend (qui imaginerait une fuite réussie vers le Canada ?) ; mais on n’imagine pas forcément les dernières pages du livre, joliment touchantes, laissant ouvertes les possibilités que, oui, plusieurs douleurs peuvent se soutenir & s’aider à vivre heureux.

LeWilliamNorth
7
Écrit par

Créée

le 12 sept. 2015

Critique lue 211 fois

LeWilliamNorth

Écrit par

Critique lue 211 fois

D'autres avis sur Long week-end

Long week-end
Thierry_Dupreui
5

Un long week end de lecture

Depuis que son mari l'avait quitté pour une autre femme, Adèle vit seule avec son fils Henry. Sa famille c'est lui et la réciproque est vraie. Tous les deux mènent une vie monotone, il ne s'y passe...

le 15 sept. 2020

3 j'aime

2

Long week-end
Missbale974
10

Critique de Long week-end par Missbale974

Je ne connaissais pas l’univers de Joyce Maynard avant ce roman ; elle qui fut pendant un an la petite amie de J.D Salinger (vous allez crier au sacrilège si je vous dis que je n’ai pas accroché à...

le 4 mars 2015

3 j'aime

Long week-end
aliceland
6

Catch me

C'est pendant le week end du Labor day, que la vie du jeune Henry change. Et pas seulement, sa mère elle aussi va (re)découvrir l'amour, la passion dans les bras d'un prisonnier évadé,...

le 6 août 2014

2 j'aime

Du même critique

Il faut beaucoup aimer les hommes
LeWilliamNorth
5

Bien décevant, une belle impression de vacuité

Une belle déception - lu rapidement, certes, mais il sera rapidement oublié, je le crains. Un titre élégant, un auteur reconnu, un bon petit prix Médicis; hélas, pas d’étincelle à la lecture,...

le 12 sept. 2015

3 j'aime

Comme un avion
LeWilliamNorth
8

Critique de Comme un avion par LeWilliamNorth

Partir sur une fugue, sur le fil du classique, sur une chanson légère. Tout bien rassembler, le matériel, le matos, oui le matos - c’est-à-dire l’humour, c’est-à-dire l’essentiel, le...

le 21 févr. 2016

2 j'aime

1

Le Figurant
LeWilliamNorth
6

Glisser Modiano dans Truffaut

Des rues parisiennes du passé ; des cafés parisiens (bien sûr !). Des photos grossies pour distinguer des traits vagues. Des recoupements de souvenirs. De jeunes filles perdues, disparues trop vite,...

le 24 juil. 2018

1 j'aime