Beaucoup d'écrivains écrivent toujours le même livre. Des variations plus ou moins réussies sur des thèmes récurrents. C'est aussi pour cela qu'on les aime, pour retrouver une musique familière dans laquelle se lover confortablement comme dans un vieux sofa défoncé mais encore moelleux. Djian fait partie de cette race. Love Song a des airs de déjà lu : l'amour, la tromperie, les trahisons, le vieillissement, le sexe et cette sourde mélancolie différente de la pure tristesse dans le sens où l'on s'y complait comme avec une amie fidèle qui, elle, ne vous lâchera pas pour un oui ou pour un non. Le héros de Love Song est djianien jusqu'au bout des orteils : désabusé, manipulé, accro à tout un tas de substances, capable de violence mais d'une faiblesse insigne, en définitive. Le monde de la musique, dans lequel il évolue, n'est pour l'écrivain qu'une toile de fond. Ses dérives mercantiles sont à peine esquissées. A vrai dire, Djian s'en fiche un peu. Son histoire semble à peine travaillée, peu creusée. En revanche, l'auteur se donne du mal pour avoir un style, créer un climat. De ce côté là, il est inimitable. Qu'on aime ou pas, c'est indéniable. Comme Modiano, dans un tout autre genre. Love Song est un blues "des ans chanté", une vision peu amène des relations humaines. Qu'importe si certaines scènes se révèlent aberrantes et invraisemblables, si les dialogues sont souvent répétitifs, si les tournures de phrase sonnent parfois bizarrement. Ce n'est pas le meilleur Djian, loin de là. Ce n'est pas très grave, on s'y pelotonne quand même avec un plaisir coupable, en attendant le prochain qui sera forcément meilleur. Ou pas.