L’écriture de Hubert Haddad est une écriture magnifique, pleine de poésie et incroyablement juste. Rien n’est en trop, tout est parfait, tout est harmonieux, et au cours de ma lecture, j’ai vraiment eu la sensation d’être entourée, enveloppée, dans une bulle de quiétude et de calme, bulle entièrement créée par l’écriture singulière de Hubert Haddad. Mā a été pour moi un livre-promenade, non pas que le propos soit vide de sens, mais c’est une lecture que j’ai vécue comme une véritable contemplation.
Il m’est difficile de vous résumer l’histoire qui est au cœur de Mā. Le roman nous offre à lire une histoire à deux voix, d’un côté Shoichi, jeune homme au début du livre, follement amoureux d’une femme plus âgée, Saori, elle-même fraichement divorcée de son mari, et avec laquelle il entretient une brève et passionnée histoire d’amour. Et de l’autre coté, on trouve Tanoka, haïkiste, auquel Saori a consacré son travail universitaire, mais aussi sa vie. Ces deux destins se font écho du fait d’une douleur commune : Shoichi et Tanoka ont fait l’expérience douloureuse de la perte d’un être cher. On retrouve ces deux êtres, incroyablement mélancoliques et solitaires, dans leurs déambulations. Shoichi adopte en effet le style de vie de Tanoka, et mène une vie d’ascète, il marche sur les traces de son aîné, traversant les mêmes paysages, observant une même vie de solitude. La nature est d’ailleurs à l’honneur dans ce roman, on est comme plongé au milieu de ces paysages de montagnes et de forêts.
Ce que j’ai trouvé incroyablement émouvant dans ce récit, ce sont ces deux hommes, atteints d’une mélancolie sans nulle pareille, presque pathologique. S’ils font le deuil d’un être cher, ils font aussi, dans une certaine mesure, le deuil de la personne qu’ils étaient, et essayent de trouver une forme de consolation dans la marche. Ils marchent tous deux pour échapper au passé, voire même pour s’abstraire du présent. Toute leur procession à travers ces montagnes et ces forêts ne semble orientée que dans un seul but : se détacher entièrement d’eux-mêmes. La marche leur permet d’être au monde, sans pour autant être étouffé par leur mélancolie et leur chagrin. Ces deux hommes sont incroyablement intéressants, et il est impossible de ne pas s’attacher à eux. On marche avec eux, on apprend à vivre avec eux, on respire avec eux.