Le cinéma hollywoodien, peut-être plus que les autres, a toujours été l’instrument privilégié du soft power des Etats-Unis : une propagande indirecte très bien analysée (et prescrite !) en son temps par Edward Bernays. Si cette industrie a surtout été mobilisée durant les deux guerres mondiale et la guerre froide (notamment au moment du Vietnam), elle ne s’est pas pour autant convertie aujourd’hui à la neutralité, comme le montre Aknin qui a étudié un corpus de films tournés durant les dix dernières années, tant des blockbusters que des films d’auteurs. Un cinéma dans lequel l’épouvantail du communisme a été remplacé par celui de l’islamisme le long d’une décennie inaugurée par les attentats du 11 septembre. L’inquiétude écologique, et son corollaire le survivalisme, ont la part belle dans cette nouvelle cinématographie, surtout dans les films catastrophe. La science-fiction, elle aussi, a évolué : alors que les films d’attaques extraterrestres fleurissaient dans les années cinquante (période du maccarthysme), le danger est aujourd’hui moins souvent extérieur qu’intérieur, recentrage qui pourrait être la conséquence du renoncement américain à la conquête spatiale. La thématique du complot militaire réapparaît de manière récurrente, de même que les références métaphoriques aux pionniers américains.
Le chapitre le plus intéressant est celui consacré au péplum, un genre longtemps laissé en jachère qui a redécollé avec le "Gladiator" de Ridley Scott et dans lequel l’auteur relève un déclin de l’inspiration biblique au profit de la mythologie et du paganisme. « L’Antiquité, écrit-il, se détache de plus en plus de son caractère historique ou de son aspect classique, et devient un espace-temps purement mythique, un véritable univers second, comme celui mis en place dans l’héroïc fantasy. » Alors que les péplums de la période classique s’intéressaient à l’histoire romaine, ceux de la nouvelle génération se tournent plutôt vers l’histoire grecque. Si "Troie" de Wolfgang Petersen peut être vu comme une métaphore de la guerre d’Irak, "Alexandre" d’Oliver Stone paraît illustrer tous les rêves impériaux américains : guerre contre les Perses, conquête de la Palestine, marche sur l’Afghanistan… Mais de manière générale, du cinéma d’épouvante aux films de super-héros, la production américaine semble être passée graduellement du triomphalisme le plus chauvin à une certaine prise de conscience de son déclin – constat qui, s’il s’avère vrai, ne nous attristera pas outre mesure.