Quand je me suis réveillé ce matin et que j’ai ouvert la porte de ma chambre, il y avait une dame qui aurait pu être la soeur de ma grand mère qui attendait. J’ai décrotté mes yeux, j’ai pris mon plaid pour poser mon cul sur le canapé normal et je lui ai dit que y’avait du thé si elle voulait mais d’abord fallait qu’elle me dise ce qu’elle foutait ici.
Elle a passé une main dans se chevelure blonde, comme font les presque vieilles personnes (mais pas trop), elle a mis ses lunettes sur son nez et elle m’a dit. « Il parait que tu aimes bien qu’on te raconte des histoires sur l’Amérique du XXe siècle et si tu veux j’en ai une, tu veux l’entendre ? »
Tu parles que j’veux l’entendre mon canard, on est samedi, j’avais prévu de liker des statuts sur Facebook alors j’ai craché dans ma main et j’ai dit « tope là ».
Elle s’est installée confortablement, moi j’avais le plaid parfait, elle a éclaircit sa voix qui était parfaite aussi pour quand on raconte les histoires. Alors elle a dit que ça commençait dans les années 20, à l’aube de la Grande Dépression. J’ai pas pu m’empêcher de penser que c’était un super bon hasard vu mes dernières lectures. Après elle a coupé les paroles dans ma tête pour dire que ça terminerait en 1953, mais qu’un jour il y aurait certainement une suite vu que ça ferait partie d’une trilogie.
Plutôt cool non ?
Je l’ai écouté. Jusqu’à 0h32 ce soir. Ce matin elle m’a raconté qui était la famille Langdon, qui vivait dans une ferme de l’Iowa, et que l’histoire débutait avec la naissance de Franck. Qu’au début c’était des gens plutôt prospères qui vivaient assez bien de leurs récoltes. Elle faisait une pause pour chaque année de terminée. Elle racontait comment les frères et soeurs étaient nés les uns à la suite des autres, comment leur personnalité se développait, venait piocher dans celle des aïeuls, elle décrivait aussi la vie à la ferme jusqu’à ce que la crise arrive, que les enfants grandissent.
Moi ça me faisait penser à Boyhood mais comme j’avais trouvé le film pourri alors que là l’histoire était trop bien j’ai pas voulu couper la parole. Ça se fait pas tu vois ?
Ensuite on a mangé un peu. Elle racontait comment ça se passait en Europe, la situation politique et tout. Je crois qu’elle essayait de pas faire peur. On sentait bien qu’il se passait des choses dures mais je crois que Jane Smiley c’est une dame un peu sensible qui préfère donner un coté Beignets de Tomates vertes à ses histoires plutôt que de jouer dans le mélodramatique. Ça collait bien puisqu’on était samedi.
Après manger, elle a raconté l’enrôlement de Franck dans la guerre, les premières récoltes génétiquement transformées de son plus jeune frère Joe, et plein d’autres choses qui font que je peux pas dire tout sinon j’vais te spoiler.
Elle est partie sur un truc qui m’a mis une boule dans la gorge. En 1953, après avoir parlé longtemps de la Guerre Froide, que tout le monde soupçonnait tout le monde, du maccarthysme et des trucs que j’aurai surement du écouter en Histoire à l’école.
Dans tous les cas j’ai plus trop de thé. J’ai becté tous mes chocos et Jane Smiley elle a repris son train pour l’Amérique. Moi j’ai passé un super moment mais genre vraiment alors peut être que si t’as envie d’en passer un aussi, je crois qu’elle a fait un livre et que tu peux aller le chercher dans ta librairie. C’est tellement le truc à lire à cette époque de l'année, des histoires qui évoluent un peu comme dans Légende d’Automne de Jim Harrison mais comme si Faulkner et Steinbeck ils étaient passés par là entre temps tu vois ?
Moi je vois.