« Il faut relire Péguy ». Voilà en substance ce que nous invite à faire Arnaud Teyssier dans sa longue présentation.
Il faut relire Péguy et particulièrement Notre jeunesse, cette œuvre étrange et admirable qui se pose comme un étendard du dreyfusisme et l’une des plus achevées de l’auteur. Achevée car Péguy vient de clore son glissement immobile du socialisme au mysticisme catholique.
Notre jeunesse se présente ainsi comme une forme de bilan, une conclusion toute entière philosophique, morale, mystique et politique à ce que fut le combat en faveur du capitaine Dreyfus. Un texte violent, injuste quelques fois, inspiré souvent, qui tente de saisir l’unité d’une action pour la justice, une œuvre toute républicaine, pleinement républicaine. Mais pas seulement… Parce que Péguy se réalise pleinement désormais dans une mystique catholique, il accole cette dernière au combat dreyfusard. Il transmute la mystique républicaine dans la mystique dreyfusarde qui elle-même se fond dans la mystique catholique ; les trois étant dissociables et unies en une.
Les efforts de logicien, la plume alerte, si souvent critique, injuste parfois de ce brave Péguy se noie par instant dans le portrait polémique. On le regrette par instant.
En ce qui concerne le style, on n’aime ou pas. Les effets de répétition, d’indexation, de déclinaison et d’éventail sont nombreux. Trop peut-être… Péguy partage avec Claudel un style qui peut ne pas séduire. Cependant, on ne peut rien retirer du talent de Péguy. Certaines pages sont pleines de fulgurances et l’on se plait à croire que sans Péguy une part évidente de la littérature contemporaine n’aurait jamais vu le jour. Ainsi, quelques constructions syntaxiques sont semblables à quelques pages de Céline. De même, le souffle littéraire en aurait sans doute souffert.
En ce qui concerne la forme, on peut saluer – une nouvelle fois – l’introduction d’Arnaud Teyssier, claire et pertinente ; sans doute trop enthousiaste. On peut aussi saluer quelques notes en bas de page. Toutefois, sur l’ensemble du livre des compléments n’auraient pas été de trop dans les notes. Aux simples indications biographiques, quelques repères et remarques sur le contenu auraient été les bienvenus.
Un livre à lire.