prime time \pʁajm.tajm\ masculin ou féminin (l’usage hésite) : 1 (Anglicisme) (Audiovisuel) Période de la première partie de soirée classée comme une heure de plus grande écoute. Une émission diffusée en prime time peut espérer un maximum d’audience. 2 (Canada) Variété de cigarillo.
Aucun rapport avec le cigarillo, donc, Prime Time est un roman sur la télévision. Et plus précisément une petite perle assez méconnue dans la littérature de SF.
Un roman dans lequel les extra-terrestres sont des humains supérieurement intelligents, adorant se foutre de la gueule de formes de vie primitives à l’intellect sous-développé devant leur télévision.
Ça ne vous rappelle rien, ça ?
Ici Jay Martel, spécialiste dans le cinéma et la télévision, donne une énorme claque au genre humain et à l’un de ses pires vices : la téléréalité. Vous-même, membre de SC, vous êtes sans doute déjà délecté de la connerie de pitoyables énergumènes à la poitrine ou au pénis dopé à la matière grise sacrifiée au profit de leurs attributs physiques sur tant d’émissions abjectes (ne citons rien), ou leur déclinaison en buzz sur internet. Vous-même vous êtes déjà senti plus intelligent face à toutes ces Nabilla (tiens, zut, j’ai cité) déversant leurs logorrhées de ganacheries désolantes. Et vous êtes un salaud pour ça. Nous sommes tous des salauds.
L’auteur de Prime Time l’a parfaitement compris. Ces extra-terrestres là-haut devant leur poste de télévision sont nos avatars intersidéraux. Leur suffisance sans pareil, leur orgueil face à des êtres sous-développés les transforme en monstres pires que leurs sujets de rire. Des êtres méprisants, dédaigneux, arrogants, bref ces gens ne valent pas mieux que nous. Ils sont même pires. A travers cette habile personnification (je dis bien personnification : sommes-nous toujours humains, étant dans le fond et presque inconsciemment si mauvais ?), Jay Martel tire à boulets rouges sur tout le monde sans concession aucune.
Et l’homme en lui-même n’est pas que la cible du propos de Prime Time : Jay Martel tabasse également à grands coups de pompe tout genre de comportement aidant à convaincre la nature mauvaise de l’Homme : que ce soit le sectarisme (le monpotisme), la ferveur religieuse (le fameux stylo déclencheur de la guerre nucléaire), l’absurdité des inculpations de terrorisme (l’enfermement de Perry Bunt, Alistair Alexander), la susceptibilité et l’avarice des riches (Del Waddle) ; tout le monde en prend pour son grade.
Jay Martel n’aimerait-il pas les gens ? Voici en tout cas une œuvre littéraire hilarante de par ses innombrables rebondissements et situations rocambolesques et désopilantes ne se limitant pas à une succession de gags fades et répétitifs, son originalité le transformant en petit pavé dans la mare de la SF.
Allons jusqu’à dire que Prime Time est un roman satirique. Une telle exposition de la méchanceté du spectateur de télévision lambda nous faisant rire aux dépens des mésaventures d’un Perry Bunt malmené par le monde qui l’entoure, n’y a-t-il pas là-dedans quelque imperceptible paradoxe ?