A travers une série de saynètes cocasses ou graves, ce jeune professeur de banlieue nous distille avec une bienveillance tendre ce qui fait le sel de ses journées passées à enseigner le français à des enfants (avant d'être des élèves) qui s'incarnent cahin-caha sous une plume éminemment poétique. Il dit les corps et les cheveux qui deviennent encombrants à mesure qu'ils entrent dans l'adolescence, le cerveau envahi d'émotions plus angoissantes les unes que les autres... Il croque des personnages récurrents de ses classes de collège, année après année, il délivre leurs délicieuses perles, leur bon sens incisif ("Où vont les présidents quand ils ne sont plus présidents ?" -- "Bah en prison !" !), leur mauvaise foi lors des débats ou des jeux organisés par leur professeur préféré. Car oui, ils l'aiment bien leur "prof" qui leur donne des livres, tente de répondre à leurs questions sur l'actualité, la vie... C'est leur repère, leur bouée de sauvetage, leur point fixe quand tout s'écroule autour : les attentats, par exemple.
Il y a les enfants qu'on renvoie au Bled sans finir l'année, les frères et soeurs, les doublants, les glandeurs gentils, les intellos bavards, les grandes gueules à la naïveté confondante, ceux qui ont réponse à tout ou qui cherchent leurs mots, d'autres qui dorment en classe... Les parents sévères, absents, permissifs, complexés, fiers de leur progéniture...
Tout ce petit monde-là gravite dans les couloirs, espace intersidéral qui se situe entre les salles de classe et la salle des professeurs, tente de créer une relation dans les 2 minutes de parlotte de l'interclasse, dans un temps qui se dilate et s'étire d'une année sur l'autre si bien que l'on ne sait plus bien à quel moment ou à qui l'on a parlé de ses dernières vacances, si c'était le souvenir de l'année dernière ou bien... ?
Un témoignage d'une humanité touchante, qui ne professe rien, et nous rappelle juste que la vérité sort de la bouche des enfants. A découvrir.