Il est difficile de parler de ce livre sans nommer. Le livre aurait pu s’appeler "Mère et fille". "Revenir à toi" est un vaste tissage patient, dont les fils de chaîne seraient constitués de cette ample analyse psychologique et des confidences du personnage principal, la fille, et les fils de trame étant l’histoire globale du personnage second, la mère et de celle de la fille. L’écriture séduit par cette capacité à dégager des thèmes essentiels, fondateurs, je pense à la façon d’expliciter la vocation théâtrale en évoquant le mythe d’Antigone, un motif que l’on retrouve dans tout le roman, que dis-je une bouée de sauvetage d’une enfance de souffrances. C’est cette façon de sonder la mémoire, de scruter, de façonner la façon de penser du personnage principal par tâtonnements, par hésitations qui passionne, ces errements, ces contradictions, les phrases étant portées parfois jusqu’à une forme d’incandescence, comme une grande respiration qui amènent le vertige. Vers la fin du livre, un retournement complet de la façon de penser la situation traverse l’esprit de la fille, qui la perçoit sous un tout autre angle qui l’éloigne de ce rôle victimaire dont elle a tant souffert, pour enfin être soi-même car finalement protégée par cette absence. Le roman joue sur l’antinomie du mutisme de la mère et de tout ce que ce peut ressentir la fille, magnifique personnage dont chaque perception, façon d’être au monde, sensation constituent l’ossature de ce vibrant roman.
"S’il te semble en ce jour qu’en folle j’ai agi,
Peut-être est insensé qui me croit hors de sens"
Sophocle