Roland est mort. Ce qui vous fait une belle jambe. Roland, c'est le voisin d'à-côté. Ne le pleurez pas. Son voisin le connaissait à peine, comme tout le monde, et on ne peut pas dire que ça lui fasse grand-chose d'apprendre son décès. D'ailleurs, on ne peut pas dire que grand-chose l'intéresse. Sauf qu'il va se retrouver avec le caniche défraîchi de ce voisin discret et découvrir qu'il lui a légué certaines affaires. Il va ainsi se retrouver avec son urne funéraire. Lui qui ne connaissait de ce voisin que son amour pour les disques de Mireille Mathieu qu'il entendait à travers la cloison.
Le narrateur se retrouve donc à devoir s'occuper de la mort d'un quasi-inconnu. Lui-même est au chômage, il a perdu l'amour de sa vie, il trompe l'ennui en regardant des films pornographiques. C'est un autre inconnu de la société, qui s'est abandonné. Il a du mal à s'occuper de lui-même, et pourtant il va devoir prendre en charge l'héritage d'un fantôme. Il aimerait se débarrasser de ce chien, de cette urne, mais personne n'en veut. Un peu comme lui.
Roland se dévore, sans mauvais jeux de mots. Parce que ce livre est drôle, vif, relevé. Il n'y a pas de grands sentiments déployés, mais une grande tendresse pour ces personnages un peu branlants, un peu cassés. C'est un livre qui plonge dans une grande misère à tous les niveaux, financière ou sentimentale, mais qui ne sert pas le discours moralisateur ou condescendant trop souvent à l’œuvre. L'humour est froid et redoutable, et pourtant il y a une grande humanité dans ce roman. C'est un régal.