Je me suis plongé avec délice et répugnance ( oui, oui, les deux en même temps) dans " Rue des Maléfices", un témoignage sur la vie parisienne durant le temps de l'occupation, et au delà car les anecdotes s'étendent jusqu'en 1966.

Quand je parle de la vie parisienne, je ne parle pas des restrictions, des allemands, de la résistance ou de tous les poncifs que l'on trouve habituellement dans ce genre de livre. Non... L'auteur, Jacques Yonnet, est un authentique résistant, capturé en 1940, évadé, et réfugié dans Paris.

Mais quel Paris ? Pas celui que l'on voit dans les films ou les autres livres. Non, Yonnet fréquente pas le beau monde. Il vit avec la truanderie, avec la cloche, avec ces gens que l'on ne regarde pas, dont on ne connait ni la vie, ni les histoires. Et des histoires ils en ont ! Chiffoniers et prostituées, entre Dédé la Lope, travesti cul de jatte et le café des quatre fesses, appartenant à deux anciennes prostituées ayant depuis préféré se gamahucher, sans qu'aucun des hommes ni ne s'en mêle, ni ne s'en offusque, on découvre un autre Paris.

En se posant place Maubert, quartier que j'ai moi même fort fréquenté, on imagine pas ce qui s'y trouvait alors, en 1943, quand le bruit des bottes s'éloignait ! De bouges glauques en rades improbables, l'auteur nous parle des rencontres, des légendes de Paris, des rues dont les noms ont changés, celles qui avaient une réputation sulfureuses. Le tout est narré avec un vocabulaire particulier, un véritable dépaysement argotique, un voyage dans la jactance oubliée.

Alors pourquoi la répugnance ? Pourquoi le délice ? Le délice de la langue, le délice d'avoir l'impression de retrouver Paris, ville que j'aurais toujours dans mon coeur, comme une ancienne amante à qui on rêve de refaire l'amour tout en sachant que c'est impossible, délice de la découverte des légendes de Paris, glauques et belles comme cette ville. Mais répugnance, justement, de cette vie de meurtre, de maléfices et de misère. Lire Rue des Maléfices, c'est à la fois connaitre la beauté de la traversée de Paris via les lignes 2 ou 6, tout en les faisant assis à coté d'un clochard puant.

Que dire de ce livre, sinon que Raymond Queneau le considérait comme le plus grand livre jamais écrit sur Paris. Queneau, que Yonnet rencontre dans l'ultime chapitre, en 1966. " Le soleil souriait roux. L'après-midi touchait à sa fin avec un rare doigté. Raymond Queneau et moi nous incontinent propulsâmes en direction de lieux abreuvatoires"


Santé les mecs et les filles ! Bonnes lectures, et bonne picole !
krieghund1974
9
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le 20 févr. 2014

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