Les habits ne font pas le moine ainsi s'élève cette diatribe qui ne conviendrait pas à ce livre car la couverture reflète bien le style violent, froid, inquisiteur de cet étrange récite. Au coin, à droite, en bas, est marqué simplement un bizarre accoutrement : thriller. Je déploierai mon mécontentement car celui-ci ne convient pas, non, nous plongeons directement dans l'horreur, l'atrocité humaine qui arrive tous les jours, cachée, tapie dans le sombre recoin de notre savoir. Si je m'étais imaginée un style caractériel, des personnages monstrueusement attachants, des scènes visuelles qui ne demandaient qu'à nous faire vomir par l'intensité, le vibrement continuel de la plume revancharde de l'auteur alors je n'aurais pas été aussi surprise. Il m'a fallut un moment pour ne plus être dégoûtée de cette litanie, de ces passages poignants qui nous prend aux tripes.
On peut dire directement que l'auteur sait maîtriser parfaitement son sujet, les thèmes auxquels elle s'attache, explique en récit tout un fonctionnement maladif psychologique. La schizophrénie semble fasciner les médecins, dans le livre nous partageons les pensées d'une folle. Mais quelle folle, quelle... En cela Ingrid Desjours est aussi sadique car, bien que nous sachons déjà au début, la meurtrière, il m'était impossible de ne pas vouloir la prendre dans mes bras, de ne pas vouloir l'apaiser. Bourreau et victime à la fois, ou comment jouer avec les sentiments du lecteur. J'ai même cru à une histoire, un fait divers raconté de façon romancé, je me suis faite prendre au piège des événements qui défilent et des personnages qui font des choix, dans leur douloureuse existence. Le début était porteur de terreur, j'ai senti mon ventre faire des soubresauts, trop émotif me dit-on souvent, avec ce genre de texte dans ma main j'ai pleuré à la fin, et je me suis arrêtée pour reprendre mon souffle. Les critiques affluentes sur le sujet de l'écrivain comme la meilleure de notre époque à apporter une collaboration littéraire excitante ou, du moins, travaillé sont pour le moins très vraies. Je ne me doutais pas qu'un style pouvait emmener le lecteur aussi loin dans l'ignominie. Car elle ne fait pas qu'effleurer des sujets lourds, elle les exploite jusqu'à la moelle. De viol à l'harcèlement moral, psychologique, de maltraitance mais de douleur mental. Elle nous donne l'illusion d'une fin heureuse, je l'avais espérer en tout cas. Elle laisse un peu le suspens nager dans l’étang des poupées omniprésentes. Et j'ai aimé ce dialogue, cette image, cette figure de style de la pièce à double face, double tranchant.
Ses personnages sont étincelants de vie, de peines ; une chose est sûre et bien expliquée à la fin de l'ouvrage, Desjours ne leur a laissé aucun repos. De la petite Barbara à plusieurs facettes, ce qui lui arrive est totalement injuste (j'allais ajouter inhumain malheureusement les actes dont elle se trouve victime puis ensuite bourreau est dans la pure humanité qui soit) et la violence dont elle se rend coupable est juste une conséquence à tous ceux qui lui ont fait du mal auparavant. Je n'ai pas pu m'empêcher de verser des larmes quand je me trouvais auprès d'elle. Bien que j’exècre et que je condamne notre manie à l'anti-victimisation, là, j'aurai voulu qu'elle trouve la paix, ait une vie normal après le désagréable destin subit. Mais Ingrid Desjours est cruelle, Ingrid Desjours est mortelle. Tout comme son personnage masculin, Marc qui aime à se faire détester et que l'on aime détester, aimer, victime également d'une vie, d'une personne n'ayant crainte d'attenter à sa vie. Et cela rend le livre encore plus désagréable. Car nos repères, nos considérations, nos principes sont chamboulés, renversés par un véhicule poids lourd qui s'amuse à nous malmener. Cependant j'ai continué, comme je boirais à la lie un alcool dont je ne supporte pas le goût, ne pouvant m'en empêcher. Il n'y a pas un coupable, il le sont tous. Il n'y a pas une victime, ils le sont tous. La toile tissée par la maîtresse de l'horreur explose les certitudes des lecteurs, les laissant calmes, morts par la fin silencieuse, logique, d'une cruauté sans vergogne.
Voilà, c'est fini. C'est tout. La vie reprend, ou plutôt continué, car le monde ne s'est pas arrêté de tourner parce qu'un homme a violé une femme. Ca arrive tous les jours, rien de plus banal. Rien de plus anodin. Tellement facile à ignorer. A oublier. D'ailleurs, n'a-t-elle pas simplement rêvé ? Tout cela ne peut-il pas disparaître de sa mémoire si elle jure de ne plus jamais y penser ? Si. Il faisait noir. il n'y avait personne. Sans témoin, sans elle pour vouloir s'en souvenir, plus rien. Ca ne s'est pas produit.
Effacer. Remettre les compteurs à zéro. Rendre la bande vierge et elle avec.
Il est difficile de trouver un équilibre dans une chronique de thriller. Quoi dire ? Comment le dire sans révéler les actions majeurs qui ornent l'oeuvre ? J'avais imaginé un tout autre cadre auquel je me suis trouvée enchaînée pour... une douceur amère que j'ai lu jusqu'au bout. L'effet de catharsis puissant remède à nos maux, à nos traumatisme a fait son travail. J'ai compris tous les choix, j'en accuse d'autre qui me paraissaient béant de sadisme ! J'en ressors lessivée, triste, déprimée. Cela passera bien évidemment, je pense simplement que c'était plus qu'une histoire comptée, c'était toutes les aberrations qui existent, exposées sous notre nez. Bien sûr, l'enfant n'a pas le droit de lire ce titre beaucoup trop choquant, marquant. Je suis sensible et mes sentiments ont été décuplés durant ce voyage dans la bizarrerie bien amenée.