Un poil frustrant, le dernier Djian. Trop court et linéaire, sans la riche étoffe narrative qui caractérisait Impuretés ou Impardonnables. On a le droit de faire la fine bouche, non, vu le bonheur de lecture que donnait ses derniers livres ? Sinon, le monde de Djian est de plus en plus noir, sans espoir, marqué par un conflit de générations qui ne fait que s'amplifier. Vengeances commence comme le dernier roman de Nicolas Fargues, avec la mort d'un fils. L'introspection et la douleur sont au premier regard moins perceptibles chez Djian, elles sont tapies dans l'ombre comme des bêtes malfaisantes, violentes et destructrices. Alcool, drogue, sexe, le cocktail est connu, mais le quinquagénaire décrit par l'auteur est surtout fatigué, limite suicidaire, et sa phobie des tunnels n'est pas qu'un symbole facile. Ceux qui se sont arrêtés au Djian des premiers livres ne le reconnaîtraient pas, son écriture a changé, ciselée, lapidaire, elle taille dans le vif et fait mal. Vengeances a beau être un roman légèrement décevant, il n'en confirme pas moins la place unique de Djian dans la littérature française. Comme Houellebecq, il est à part, singulier, et prête le flanc à toutes les critiques. Qu'importe, l'important est qu'il poursuive sa route, même en zigzags, dans un univers où les êtres sont de plus en plus cabossés. Qui ne se reconnaitrait pas, peu ou prou, dans ses personnages ?