Cette lecture a été pour moi une déception. Non pas que je nie la valeur du témoignage, qui montre notamment, à travers les tribulations d’un intérimaire, ce qu’est maintenant la condition ouvrière alors que la classe ouvrière a presque disparu (en tant que classe, et avec elle la conscience d’une condition commune). Mais c’est la mise en page « à la ligne » qui m’avait incité à lire ce livre, car je pensais qu’il permettrait d’exploiter les ressources de la poésie.
Or l’auteur définit, comme je l’ai vu après ma lecture, son œuvre comme un roman, et souvent, cette mise en page m’a semblé n’avoir aucun intérêt, et être seulement l’illustration d’une sorte de jeu de mots : Ponthus va « à la ligne » pour représenter la « ligne » de production… Mouais… Les calembours ne sont d’ailleurs pas rares. Humour noir, sans doute, mais cela dénote une certaine vacuité, même s’il y a aussi une dimension libératoire dans le fait de retenir ainsi les quelques pensées qui échappent du labeur physique harassant.
Cependant quelques pages consacrées à la description de l’abattoir, et tout particulièrement la description de la salle où tombent les têtes des vaches décapitées sont d’une grande puissance, avec cette fois-ci, enfin, des enjambements et rejets intéressants. Et il n’y a peut-être pas meilleure métaphore que cet abattoir pour décrire l’horreur absurde que peut avoir le travail à l’usine : des ouvriers qui détruisent leurs corps à détruire d’autres corps, animaux cette fois.