Voyage jusqu'au bout de la folie !!!

Vivre dans une petite commune de Seine-et-Oise avec une sœur trentenaire, cacochyme, vieille fille et donc frustrée qui passe son temps à observer vos moindres faits et gestes et un père qui n'hésite pas, sans la moindre parcelle d'empathie, à aller jusqu'au bout pour imposer sa tyrannie à base de solitude et d'habitude, ne donne pas forcément le meilleur environnement pour l'épanouissement d'une jeune femme de 18 ans.

Adrienne Mesurat, puisqu'il s'agit bien évidemment cette dernière, qui du fond de sa solitude et d'un esprit qui dès le début n'apparaît pas très sain va croire qu'elle est amoureuse du médecin du coin qu'elle a entrevu quelques secondes, après des années mornes va voir sa vie bouleversée en une seule journée, ce type de journée où tout se passe et qu'il bouleverse la vie pour les années à venir ; journée où sa sœur aînée va se barrer et où notre protagoniste va tuer dans un instant de folie son cher papa en le poussant dans les escaliers.

On croit un peu naïvement que l’ambiance anxiogène qui a régné jusqu'ici va s'estomper. Malheureusement le pire ennemi de l'héroïne n'est ni son père, ni sa sœur, ni la Mme Legras, cocotte à Paris, qui s'est installée dans la maison d'en face et qui sous une apparence bienveillante cache une personnalité peu reluisante, ni la sœur du docteur redoutablement possessive ; en fait le pire ennemi d'Adrienne Mesurat est Adrienne Mesurat elle-même...

Et c'est parti pour une descente progressive et inexorable dans la folie, que l'écriture belle, intense et efficace de Julien Green rend redoutablement captivante du début jusqu'à une fin inévitable et terrible. Un roman fort et un personnage aussi tragique que magnifique que n'aurait pas renié Dostoïevski.