D'emblée le sujet m'intéresse, on me propose un manuel critique de la société moderne (tardive) et le processus qui a lieu en elle, parfait. Même si Hartmut Rosa nous vient de l'école de Francfort, toute critique est bonne à prendre.
Les processus à l’intérieur de la société accélèrent, il y a selon lui trois éléments d'accélération : l’accélération technique, l’accélération du changement social et l’accélération du rythme de vie.
Le premier est lié au fait que nous considérons le temps comme un élément de compression, il peut être contracté virtuellement par l’accélération de la communication, du temps de transport ou du temps de production.
La seconde concerne la société elle-même, les rythmes des changements sont eux-mêmes en train d’accélérer. Nous compressons le présent au sens de moment où l’espace de l’expérience et l’horizon d’attente coïncident. Cette accélération augmente le déclin de la fiabilité des expériences. Nous avons une structure intragénérationnelle où le cycle est plus court que la vie de la personne. En témoigne par exemple l’augmentation des divorces.
La troisième partie nous conduit à une situation inédite dans l’histoire humaine, la famine temporelle. Les individus modernes sentent qu’ils manquent de temps et qu’ils l’épuisent. Le temps est devenu une matière première. Elle est la conséquence de vouloir faire plus de choses, d’acquérir plus d’expérience par unité de temps. Cela pourrait venir de la révolution numérique et du phénomène de mondialisation qui apporteraient leur lot d’accélération sociale.
Et malgré tout ces outils qui devraient nous en libérer, du temps, de nouvelles tâches apparaissent. Le taux de croissance des activités dépasse le taux d'accélération et nous revenons à la case de départ.
Tout ceci vient en partie de l'existence d'un marché concurrentiel capitaliste. Cette concurrence a même dépassé le secteur économique pour aller dans les secteur politiques, religieux (je ne le pense pas) et bien entendu sociaux. On peut dire qu’aujourd’hui cette accélération, jadis nourrit par le progrès technique s’autoalimente, c’est autopropulsé pour reprendre la métaphore mécanique. L’accélération technique augmente l’accélération du changement social qui va augmenter l’accélération du rythme de vie et ceci dans un cercle sans fin.
Après avoir lu la nature du totalitarisme de Arendt, me voilà avec un nouvel auteur qui présente cette fois-ci notre société comme totalitaire, au sens où la société, à travers le bras armée du temps, nous terrorise avec des normes temporelles. Bien que nos sociétés se présentent comme libérales, nous sommes confrontés à la terreur de la culpabilité, de ne pas suivre le rythme et en plus de cela, nous n'avons aucun moyen de faire rédemption. Il n'existe aucune institution qui nous le permette à l'instar de l'Eglise.
Ce que l’on peut porter au crédit de ce livre c’est qu’il nous fait un compte-rendu de la situation dans laquelle le monde moderne nous plonge. C'est un panorama, bien qu'assez sommaire, mais qui permet de mettre des mots sur des sensations vécues. La notion de famine temporelle est sans doute ce que je retiendrais le plus.
Bien qu’il ait aujourd'hui 10 ans, les concepts et les problèmes abordés me semblent encore d’actualité. Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec le caractère aliénant de cette société, lui-même nous dit que c'est un concept difficile à aborder. La partie sur l'aliénation est présentée en toute fin d'ailleurs. La critique élaborée tout au long du livre reste très intéressante et plutôt vraie à mes yeux.
J'amènerais comme point négatif l'impression de lire une dissertation scolaire, sur la forme, avec des passages pour amener la partie suivante un peu artificiels.