A sa sortie de prison, Ombre, rustre armoire à glace portant bien son nom, se voit proposer un job mystérieux par Voyageur, un type bizarre qui a l'air d'en connaître long sur les gens. Et puisque aucune autre option ne semble véritablement se dessiner pour lui, Ombre accepte sans trop se poser de questions, et devient ainsi homme de mains d'un dieu humanoïde qui tente de rassembler les forces des dieux de l'ancien temps pour lutter contre les dieux païens de notre chère époque.
Le double tranchant est posé, il va falloir sacrément bien tourner ton histoire, cher Neil Gaiman, pour nous embarquer dans un récit à base de dieux mythologiques. Que va-t-il faire de cette masse de folklore, confrontée à celui déjà désuet du grand méchant Internet ? Eh bien, j'aimerais répondre simplement que... pas grand chose. "American Gods" est une traversée apathique de son fil rouge, apathique tout comme son personnage principal qui se laisse porter sans affect par les événements, apathique aussi comme cette palanquée de dieux poussiéreux et décrépis, aux destins miteux, de dieux affamés par le XXIème siècle de vie, de gloire et de foi.
Un récit élastique de 600 pages qui fait attendre le lecteur après des événements
et même un dénouement
qui n'arrivent finalement jamais vraiment. Honnêtement, je ne me serais pas accrochée jusqu'à la fin du roman si l'écriture n'avait pas été si finement ciselée (mention spéciale pour la traduction superbe de Michel Pagel). C'est précis, farci d'indices indétectables, les personnages sont foisonnants de détails, il y a parfois de vrais morceaux de belle littérature (j'ai adoré le récit des enfants esclaves), et pourtant, le tout sans en avoir l'air.
Je ne saurais pas bien placer le curseur entre ma déception, mon ennui parfois à en lire les paragraphes en diagonale sans rien rater de notable, mes fulgurantes passions pour quelques passages, et cette impression souvent avérée que les images, personnages, histoires de cette oeuvre me resteront longtemps en tête et feront miroiter mon imaginaire sur le réel sans prévenir.
Parce que quand même, c'est bien joué, de parler de religion sans parler de religions, de montrer les dieux à l'image de l'homme, de mettre en scène la déchéance de la foi quasiment sans jamais montrer l'humanité lambda, de nous faire suivre un mec qui se laisse juste faire sans réfléchir, de...
Tu vois, ça va me trotter dans la tête, je te l'avais dit.