Ce court roman a de nombreux points communs avec le fameux Madame Bovary (1856) de Gustave Flaubert. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Madame Bovary est un livre lu un peu honteusement par le personnage de Victoire au début du roman. La référence est un clin d’œil qui invite le lecteur à être attentif aux signes. Seulement voilà comme cette petite référence faite en passant, il y a parfois beaucoup de "références" un peu lourdes parce que trop évidentes ou éculées. On joue La Sonate au clair de lune de Beethoven, une toccata de Bach, on boit du Moët & Chandon... C'est cette accumulation de références pour la référence (même involontaire) qui m'agace un peu dans la littérature contemporaine et qui l'appauvrit parfois au lieu de la garnir.
Tous ceci mis de côté, Amours est une réécriture inversée de Madame Bovary, la virtuosité flaubertienne en moins. Tout les éléments sont présents: une frustration sexuelle assouvie non pas avec Rodolphe et Léon, mais avec Céleste, un mari niais un peu bête mais qui au contraire de Charles souhaite une sexualité, un enfant que l'on aime pas, ou du moins avec distance, qui est un objet qui doit combler le vide de notre existence et un suicide par "poison" à la fin. D'autres correspondances pourraient êtres établies bien sûr, vous avez compris l'idée.
L'histoire pourrait être belle si elle avait plus de relief. Par relief, j'entends "style génial", ce quelque chose dans l'écriture qui fait des romans un chef-d’œuvre indémodable. Flaubert s'est inspiré d'un fait divers pour Madame Bovary et a sublimé cette actualité sordide en chef d’œuvre par la force laborieuse de son style. Un style jugé subversif à l'époque et qui lui a valu un procès de mœurs la même année que Charles Baudelaire. Dans Amours, il n'y a aucune subversion, tout est feutré, poli et parfois très cliché. Pourtant certains passages font espérer ce souffle qui retombe bien vite parce que les phrases sont "plates comme un trottoir de rue". On ne peut pas retenir nos sourcils qui se haussent: "L'amour est là, ici, avec elles", "Y penser et jouir de ce bonheur touché, volé, arraché à la vie" sont autant d'extraits que je qualifierais de plats et niais. En fait ce qui m'agace dans certains romans ce sont les virgules, les accumulations et les épanothoses (figure de style qui consiste à modifier une affirmation). Ce qui m'agace encore plus, c'est que certains livres sont de simples lectures agréables mais sans plus. Dans la littérature contemporaine, il y a trop de bons livres oubliables et pas assez de chefs d’œuvres... C'est déjà ça de pris.