C’est dans un long cauchemar en plein jour que nous plonge Midsommar, mêlant couronnes à fleur et danses innocentes à des rituels glaçants. Après le très sombre Hérédité, Ari Aster signe un film d’horreur folk lumineux qui prouve une fois de plus qu’il est un réalisateur qui n’a pas peur des contrastes.
En 2018, le premier long-métrage de Ari Aster, Hérédité, explorait avec force le thème du deuil. Une mère désespérée par l’accident de sa fille sombrait petit à petit dans la folie, entrainant le reste de sa famille avec elle. Après ce premier succès critique et public, le revoici avec Midsommar. Un groupe d’ami américain part en Suède assister au festival Midsommar qui a lieu une fois tous les soixante-dix ans. Dani (Florence Pugh), en deuil après le suicide de sa sœur et la mort de ses parents, est invitée à la dernière minute et à contrecœur par son petit ami Christian (Jack Reynor), à les suivre. Les festivités vont mettre à jour des rivalités et des tensions au sein du groupe qui ne se méfiera pas assez de l’environnement extérieur. On retrouve ici une dynamique semblable mais inverse à Hérédité : la communauté a remplacé le cercle familial et le deuil n’est pas celui d’un enfant, mais d’une sœur et de parents. Aster se sert du folklore suédois et du tourisme festif, pour le transposer dans un cadre horrifique, et le résultat est jubilatoire.
L’ouverture de Midsommar, sur fond de harpe guillerette en bande sonore annonce la fatalité : une fresque dessinée nous présente à la manière d’un conte toute l’horreur en apparence innocente qui va suivre. Comme pour Hérédité qui présentait une chambre dans laquelle la caméra était lentement happée vers l’exacte réplique de la chambre dans une maison de poupée, Aster nous fait comprendre que tout est affaire de détails et que l’on n’échappera pas à la construction efficacement ciselée du scénario.
Nombreux sont les cinéastes qui ont relevé le défi de réaliser un film d’horreur qui se déroule en été. Cela permet de jouer sur le contraste entre la saison, synonyme de fête et de détente pour mieux effrayer le spectateur pendant les périodes de nuit. Mais toute la prouesse de Midsommar réside dans le fait que la nuit y est absente. Aster joue ainsi sur la distorsion du temps chez les personnages et dans l’action, distorsion que peut ressentir également le spectateur pendant les deux heures trente du long métrage. C’est un film qui n’hésite pas à être ample, afin de rendre physiquement concret le malaise présent à l’écran pour qui le regarde. Autre prouesse : le cinéaste s’inspire du film de rupture, genre à priori le plus éloigné du film d’horreur et très difficile. Il renvoie son film à Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999) ou Possession (Andrzej Żuławski, 1981) en mettant en scène les délitements d’un couple. La véritable horreur se met alors à jour dans les rapports malsains qu’entretiennent les personnages.
Le fil narratif se resserre peu à peu dans son dernier tiers. À la nausée étouffante du deuil de Dani, succède la nausée des drogues ingurgitées – consciemment ou non – pendant les différents rituels. Une nausée retranscrite à la perfection par les mouvements de caméra angoissants, qui alternent entre traveling d’une lenteur oppressante et plans fixes, et font sourdre une violence très calme. De quoi faire monter pesamment le climax et l’horreur au rythme des boucles sonores signées Bobby Krlic, répétée jusqu’à la nausée. Le retournement de situation final est très intéressant : la victime du sacre de l’été n’en est pas une ! Au côté du très surprenant cinéaste Robert Eggers (The Witch, 2015 et The Lighthouse, 2019), on peut donc compter sur Ari Aster, pour renouveler le genre très codé du film d’horreur.