Un énorme coup de coeur pour toute l'oeuvre de Mouawad, et particulièrement pour le magique Anima. Les animaux racontent les hommes, dans un univers où l'humanité est morte. La violence est omniprésente, elle est dépeinte par les mots et par les gestes. Elle devient folie meurtrière, alors que les milices phalangistes racontent les horreurs indicibles des massacres de Sabra et Chatila.
Mouawad nous interroge: Que faire des fragments brisés de l'identité ? Quelle humanité pour les identités réduites à néant ?
La guerre est laide. Elle broie le plus infime des traits humains. Nous ne sommes plus des animaux, car les animaux eux-mêmes nous interrogent. Nous sortons du système de vie, pour sombrer dans le système de la mort la plus agonisante. Dans sa quête identitaire, Mouawad recherche ce qui reste d'humanité dans un Liban écrasé jusqu'au dernier fragment par les horreurs des massacres perpétrés. Une réflexion malheureusement universelle et intemporelle.
Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleuves et les arbres et le ciel et malgré le feu [...]. Ils n'entendent pas notre silence qui les écoute. Enfermés dans leur raison, la plupart ne franchiront jamais le pas de la déraison, sinon au prix d'une illumination qui les laissera fous et exsangues. Ils sont absorbés par ce qu'ils ont sous la main, et quand leurs mains sont vides ils les posent sur leur visage et pleurent. Ils sont tous comme ça.
Nous sommes tous des meurtriers, mais certains choisissent de l’être.
Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.