Créon a bien changé depuis Œdipe Roi. Nous avions quitté un jeune prince insouciant, satisfait de profiter des avantages du pouvoir, sans avoir à l'exercer : " Pour moi la naissance ne m'a pas donné le désir d'être roi, mais celui de vivre en roi ; et quiconque est raisonnable approuve ma conduite. "
Depuis, Œdipe est mort. Ces fils Polynice et Étéocle lui ont succédé sur le trône de Thèbes. Ils s'étaient promis de régner tour à tour. Or, le moment venu, manifestement épris de la fonction, Étéocle a refusé de céder la place. Polynice s'est allié à Argos pour attaquer la ville, ils se sont entretués. Créon a pris le pouvoir, puis a parlé : que le premier soit enseveli avec les honneurs dus à son rang, que le corps du second soit abandonné aux vautours, que celui qui transgresse cet ordre périsse.
Créon condamne l'âme de Polynice à errer loin d'Hadès, le royaume des morts. Antigone se refuse à choisir entre ses frères. Ensemble, ils sont morts ; ensemble, ils doivent reposer auprès de leurs pères. La coutume des anciens le veut, les Dieux le requièrent, l'amour fraternel l'exige. Sa loi est supérieure à celle du tyran. Elle assume son geste, défiant son oncle d'un orgueil suicidaire. Créon relève le défi et ordonne qu'elle soit emmurée vivante.
Le peuple gronde. Les oracles s'inquiètent. Le vieux Tirésias tente de le faire fléchir : " (...) tout homme est sujet à l'erreur ; et quand on a failli, c'est être sage, c'est être heureux que de repérer le mal où l'on est tombé et ne point s'y tenir opiniâtrement. L'opiniâtreté est une marque de sottise. " En vain... Quoique, Créon cède, mais trop tard.
Qu'est-ce qu'un drame, sinon l'irruption de la fatalité. Antigone n'a pas su attendre, Créon a trop tergiversé. Vous connaissez la suite, il perdra femme, fils et trône.
Le mot de la fin est pour le messager : " Amassez, si vous voulez, des richesses dans vos demeures ; vivez tout le faste de la dignité royale ; à ces biens si la joie manque, de tout cela je ne donnerais pas l'ombre d'une fumée en échange du bonheur. "