Article 353 du code pénal est une sorte de thriller. Non que l'on y cherche le criminel : il est connu depuis les premières pages. C'est tout le talent de Tanguy Viel que de nous livrer page après page les tenants et aboutissants d'une affaire qui se dévoile peu à peu sous nos yeux de lecteur accroché au récit comme une moule au rocher, veuillez excuser la trivialité de l'expression. On connait la manière de l'auteur de Paris-Brest, capable de tricoter une histoire pleine d'humanité et toute empreinte d'humour souvent noir. Ici, ce dernier aspect est moins présent, et l'on comprend bien pourquoi car il s'agit d'un livre de crise, d'un air du temps vicié par les remugles d'un capitalisme cruel qui s'attaque aux plus modestes jusqu'à déchiqueter ses proies sans l'ombre d'un remords. Une fois la liquidation du "méchant" perpétrée en pleine mer, Viel s'attache au monologue de la victime (oui, c'est le meurtrier mais bon) devant un juge tout ouïe. L'explication de tout cela réside dans une escroquerie banale somme toute, mais d'un cynisme effrayant, aux conséquences même pas collatérales : un suicide et combien de vies dégommées ! Il y a tellement de choses dans ce roman : le regard d'un père vers son fils, et réciproquement, quand le plus âgé montre toutes ses faiblesses ; le climat de la rade de Brest, c'est comme si on y était : on sent le vent sur nos épaules, on renifle l'odeur des marées. La possibilité d'une presqu'île et bien plus encore. D'humanité bafouée il en est question et de cette question fondamentale qui est l'épicentre du livre : qu'est-ce que la justice dans la société d'aujourd'hui ? D'où le twist final, moral ou pas, chacun se fera sa religion. Une chose est certaine : Tanguy Viel n'a jamais été aussi maître de son art de romancier.