Lire un livre de plus de 600 pages de réflexions, d'enquêtes et d'ethnologie n'est pas l'activité la plus luxuriante à laquelle on puisse penser. Et ce n'est pas la réflexion générale de mes proches à la présentation du livre ("pfff, sérieusement ? ça a l'air chiant") qui pouvait me stimuler davantage.
Mais comme tout homme qui a ses perversions, j'apprécie sincèrement ces écrits philosophico-masturbatoires me donnant l'impression de faire partie de la cour des grands. Sentiment à contrebalancer par l'humilité des auteurs qui ont la décence de ne pas tout jeter au feu pour imposer leur version. Certes, Rousseau, Hobbs, l'ethnologie européanocentrée et les grands poncifs anthropologique prennent des coups de canifs mais c'est réalisé avec une rare élégance qui permet même à un afficionados du Léviathan de sortir de cette lecture sans trop de casse.
Car les auteurs battent en brèche beaucoup de vérités établies et une certaine idée de la marche du monde imposée par un collège de savants européens. En Europe, on a longtemps considéré que l'homme serait devenu cet humanus urbanus que l'on connait à travers l'agriculture, la sédentarisation, l'écriture, l'établissement des villages, des chefferies et ainsi de suite jusqu'aux états que nous connaissons aujourd'hui.
Si les auteurs sont nécessairement subjectifs, ils sont capables d'attirer l'attention sur la dichotomie des chercheurs vis-à-vis de certains modèles de sociétés à travers la planète qui ne correspondent pas du tout au modèle "standard"; ces bizarreries sont alors soit exclues du champ de recherche soit classées comme OVNI en évitant absolument de considérer que les sociétés en Mésopotamie, en Artique ou encore sur le territoire nord-américain aient pu se développer de manière très différentes que les anciennes tribus nomades d'Europe.
Le "Nouveau Monde" (selon l'expression consacrée malgré les vagues d'immigration successives), puisqu'il en est beaucoup question permet aussi d'apprécier une confrontation des valeurs entre les tribus amérindiennes et les empires coloniaux européens notamment via les carnets de voyages des explorateurs jésuites. Deux continents dont les populations ne vivent pas selon les mêmes priorités et dont les coutumes (absolutisme d'un côté, sacrifice humain de l'autre) semblent barbares selon de quelle rive de l'Océan on grandit.
On se plie au jeu, on lit avec intérêt les description des organisations funéraires des différents peuples et on trouve quelques longueurs sur les rapports d'organisation urbaine de tribus éteinte il y a des milliers d'années. Mais on passe un bon moment de lecture en récupérant pleins d'anecdotes pour nourrir des repas intellectuels.
Bref, lecture un poil exigeante avec un style et un écriture fluide. (Conseil tout de même : à ne pas lire si vous avez de la fièvre; pour avoir essayé, c'est une idée à la con)