Les amoureux sont seuls au monde...
Dans mes bonnes résolutions de l'été, j'ai celle de lire enfin tous les livres dont on m'a un jour parlé comme rappelant ma propre existence, curiosité égocentrique qui ne peut me laisser froid.
Aurélien, donc, que j'avais un jour essayé pour quelques pages, avant de le repousser vexé d'être comparé à ce mollasson du premier chapitre qui ne sait pas de lui même s'il doit se laisser pousser la moustache ou non... Comment donc une aussi jolie demoiselle que celle qui me l'a offert pouvait-elle me comparer à cette limace ?
Et bien, le pire, c'est qu'elle n'a pas tout à fait tort, la bougresse. Les aventures amoureuses d'Aurélien et Bérénice au lendemain de la première guerre mondiale risquent de réveiller chez beaucoup des souvenirs de vécu. Cette tension auprès du téléphone qu'on a peur de quitter des yeux, ces mois hagards qui succèdent à l'échec, cette persistance de l'autre aussi, et puis, le sentiment d'agir comme un adolescent la trentaine passée...
J'avais peu de raisons de me laisser prendre au livre, d'abord, je n'aime pas Aragon, le bonhomme m'est antipathique au possible, et le poète m'énerve. Mais, heureusement, parfois, il existe des petits miracles. D'abord, pour ce qui est de la prose, le monsieur s'en sort déjà beaucoup mieux, assez loin des défauts qui arrivent dans les années quarante pour que je ne me sente pas trop dépaysé... Ensuite, l'histoire est superbe, malgré de petites lourdeurs sur le parallèle entre l'état du pays et l'âme d'Aurélien. Et puis, c'est finalement très rare les histoires d'amour réussies en littérature, je veux dire, réussies à ce point.
Le décors du livre est passionnant aussi, avec le milieu artistique de l'entre-deux-guerres, les milieux d'affaires, les anciens combattants, et puis Paris, bien sûr, Paris qui faisait encore un peu envie...
Pour moi, cela faisait bien longtemps que je n'avais plus été happé de la sorte, indépendamment d'ailleurs de l'intérêt purement personnel que je portais au personnage.
La semaine prochaine, ce sera Le Feu follet, par un vieil ami d'Aragon, il faut toujours persister devant les belles surprises.