N'en jetez plus. Il y a tout là dedans : une fresque épique qui s'étale sur plus de 1.100 pages (en poche) et qui commence comme la quête de trois personnages pourchassés leur ennemi. Des personnages tragiques, shakespeariens, qui vont au devant de leur inéluctable destin sous le regard de dieux dont on ne sait pas s'ils sont réalité ou simple créations humaines. Des intrigues de palais, des civilisations millénaires qui vont s'effondrer, des inquisiteurs fanatiques, des batailles à n'en plus finir, des esclaves plus opprimés tu meurs et aussi l'histoire d'un amour impossible.
C'est fort bien construit autour de l'opposition des caractères de Marikani et d'Arekh, caractères qui vont finir par s'interchanger, rendant toute relation fusionnelle impossible. Les personnages secondaires ne sont pas en reste de Liénor, amie fidèle qui va peu à peu sombrer, Harrakin fougueux chevalier plein de panache, Loasimba, maitre inquisiteur avide de pouvoir et Vashni, courtisane futée non dénuée d'une certaine humanité. Et bien d'autres encore, disposés au fil des pages sur l'échiquier du destin.
Le style est simple, descriptif, avec beaucoup d'action, ce qui facilite la lecture, palpitante. Les amateurs de gore ne seront pas déçus, entre les scènes de torture et les batailles, fréquentes et abondamment décrites : et que je te tranche une tête, que je te coupe un bras, que je te plante mon épée dans la poitrine. L'univers est médiéval à tendance parfois orientaliste, bien imaginé et décrit avec minutie, y compris pour ce qui est des nombreuses cités dans lesquelles l'action se déroule. Une carte insérée dans l'édition que j'ai utilisée permet de suivre les pérégrinations de Marikani et d'Arekh. La magie est présente, mais de façon très discrète et influe beaucoup moins sur les événements que ne le font les combattants.
Ça pourrait s'apparenter aux meilleurs romans de Pierre Bordage à certains égards, quoique ça ne se termine pas de la même manière. Si religion et mythologie sont omniprésentes, le caractère humaniste de l'ouvrage est moins affirmé que chez Bordage. Où alors il se fait plus discret, plus interrogatif : l'humanité veut-elle vraiment se libérer de son aliénation ou y retournera-t-elle sitôt qu'elle aura brisé ses anciennes chaines ? Car ici, la destinée est vécue comme un fardeau, et pas comme une quête triomphale de gloire et de liberté.