Le livre de Simon, c’est une plongée immersive dans le Baltimore au crépuscule des 80’s, au cœur des quartiers-poudrières où la moindre étincelle peut foutre le feu jusqu’à la dernière particule d’éther. Visite conduite par les agents de la Criminelle, ponctuée par les scènes de meurtres, les visites au tribunal, les patrouilles nocturnes et planifiée au gré de l’itinéraire arpenté par le crime. L’homicide, imprévisible, peut se déclarer à n’importe quel instant dans le recoin d’une étroite ruelle crasseuse sillonnant le ghetto pavillonnaire ou au beau milieu d’un gigantesque carrefour de la drogue du Westside.
C’est aussi une familiarisation avec l’univers essentiellement masculin du Centrale, QG de la Brigade Criminelle mais aussi et surtout gigantesque cour de récréation à l’allure administrative, théâtre des relations tissés entre inspecteurs attachants, de scènes franchement comiques, et toile de fond d’une nervosité manifeste engendrée par un métier laborieux, un taux d’élucidation toujours sur le fil et un tableau de répartition des affaires, variant les couleurs avec un air de défi et une impolitesse non feinte.
David Simon dresse ainsi la fresque synthétique d’un an de recherche journalistique sur le terrain à relater des scènes vécues dans ce qu’elles ont de plus réalistes et à esquisser le portrait de personnages pour le moins atypiques, rigoureux professionnellement, parfois même zélés, quoique toujours terriblement humains.
Mais son travail ne s’arrête pas à une bête retranscription, plate et superficielle. Y a vraiment à la fois le soucis de détailler précisément et authentiquement ce qui fait rythmer le quotidien d’un flic de la Brigade Criminelle, mais aussi d’approfondir la manière dont ces derniers perçoivent le job qu’ils accomplissent, entre les techniques pour enrayer le malaise provoqué par une scène de crime brutale et impropre, les quelques gestes d’humanité, trop rares, comblant le vide laissé par le formalisme du protocole policier avec un semblant de dignité, le tabou qui entoure les salles d’autopsie, l’adrénaline sécrétée par la course à l’année parfaite, en bref ce que vivent les inspecteurs, ce qui les animent, les poussent à agir et à continuer en tant que représentants de la loi et l’ordre.
Un journaliste doué, consciencieux, impliqué et doté d’une véritable éthique, ça se trouve pas à chaque coin de rue, et moins encore s'il ne s'appelle pas David Simon.
Ce type là fout la misère à tous ces minables reporters d’investigation, ceux qui ont égaré leur déontologie dans une cave d’Aulnay-Sous-Bois et qui font du sensationnel un véritable fond de commerce tout en capitalisant sur l'indigence de leur public.
Je vous tire ma casquette Auchan© Monsieur.