La Chine maoïste, c'est dans cette époque mainte et mainte fois dépeinte par les auteurs chinois expatriés que prend place ce roman "tranche de vie" contant l'histoire de ces deux adolescents, Luo et... Dai Sije lui même je pense, qui mèneront une vie double jeu vis à vis de cette société dictatoriale.
Les péripéties de ces deux jeunes amis de la ville envoyés à la campagne sont racontées d'un point de vue juvénile, qui invite les auteurs nostalgiques de leur adolescence à se replonger dans le corps frais, plein de désir et de pulsions qui était le leur il y a encore quelques années. On développe une véritable excitation à imaginer ces deux copains rejouer en tant qu'acteurs tous les films qu'ils voient dans la petite ville du coin pour leur village, à fomenter un cambriolage de la chambre du Binoclard pour lui voler ses précieux livres (échappatoires interdit à l'époque en Chine), ou encore à aller voir quotidiennement la voluptueuse petite tailleuse.
Cette "romance à trois", pleine d'insouciance et de jalousie, attendrirait les cœurs les plus durs. L'amour entre Luo et la petite tailleuse se noue grâce à la culture qu'inculque l'homme à la femme, et grâce à la volonté de la femme de tirer parti des enseignements que lui inculque l'homme ! L'amour par la culture, l'amour par l'enseignement, l'amour tout court même, vivre ces émotions en Chine à l'époque fait de ces personnages des cas à part de la société, des cas plus humains et plus sensibles que , par exemple, ce rustre et corrompu chef de village.
Au final, tout ce qu'aura appris la petite tailleuse à travers les histoires de nos héros lui aura permis de s'émanciper en tant que femme. Cette situation de romance entre élève et maitres n'aurait pas pu durer plus longtemps, et c'est tant mieux car le trouble nous aurait poursuivi indéfiniment si Dai finissait par haïr Luo pour l'amour d'une femme qu'il n'aurait jamais conquis ! Cette romance pleine de douceur nous rappelle qu'il ne s'agit que d'une amourette de jeunesse, qui certes est passée par l'enfermement quasi in extremis de notre héros, par la quasi mort de palidisme de Luo, et par un avortement improvisé de la petite tailleuse, mais qui ne reste tout de même qu'une amourette.
Cette vie pleine de plaisirs ne nous fait heureusement jamais oublié que l'exil de Luo et Dai en montagne n'est qu'une manière pour le gouvernement chinois de priver la jeunesse d'éducation, afin qu'elle ne puisse jamais prendre les rênes du pouvoir à la place des hautes familles communistes. Un contexte sociétal sombre, et qui montre encore une fois le féodalisme d'un système hypocrite, que la propagande a réussi à faire accepter aux paysans chinois malgré leur statut d'esclave moderne au sein de la hiérarchie.
En définitive, Balzac et la petite tailleuse chinoise est un échappatoire idéal pour tous ceux qui aiment les romans d'adolescence, bien écrit, et d'une maturité qui se cache sous son manteau de premières expériences de vie.