Il est des livres qu’on aime lire et relire : Bazaar en fait partie. Peut-être y a-t-il un effet de madeleine de Proust à voir le shérif Pangborn lutter contre l’affreux Leland Gaunt, mais il faut bien reconnaitre que le livre est très bon, tant dans son histoire que dans sa construction. Sans compter ces petites références à d’autres ouvrages de l’auteur, semées çà et là dans le récit comme des pépites de chocolat. Comme souvent, l’histoire se passe à Castle Rock, Maine, et il n’est donc pas rare d’entendre parler de personnages connus dans d’autres livres, tels Cujo ou La Part des Ombres. Ca n’a l’air de rien, mais cela donne de l’épaisseur au récit, on a réellement le sentiment de connaitre Castle Rock, on a plaisir à y retourner, et cela apporte une cohérence globale aux romans de Stephen King, comme si tous n’était que partie d’une grande, très grande histoire. Je me souviens notamment de l’avant-propos de la Tour Sombre, où l’auteur qualifiait cet ouvrage de « Jupiter du système solaire de ses romans ». Si la Tour Sombre est Jupiter, alors à mon sens, Bazaar peut bien être Vénus (pas facile, ce comparatif !).
Tout se passe dans la petite ville de Castle Rock, où comme dans toute ville, petite rivalités et querelles de voisinage sont fréquentes, sans jamais prendre beaucoup d’ampleur. Dans cette petite ville, une nouvelle boutique ouvre, le Bazar des Rêves, tenu par l’énigmatique et rusé Leland Gaunt. Le succès de sa boutique tient rapidement à un constat : il a pour chacun, fortuitement, l’objet qu’il désire le plus et pour lequel il donnerait tant. Pourtant, le prix demandé par le commerçant est souvent minime, mais toujours accompagné d’une plaisanterie à faire à un concitoyen. Et gare à celui ou celle qui s’aviserait d’envisager de ne pas respecter sa part du marché, Gaunt semblant étrangement persuasif. On suit donc, au fil du roman, les branchements mortels se faire au grès des blagues a priori innocentes et canulars qui monteront les habitants les uns contre les autres, au mépris de toute retenue, jusqu’à former une poudrière hautement instable.
L’une des excellentes idées de ce roman est d’avoir varié les intrigues, les personnages, les points de vue. Ainsi, on navigue de personnage en personnage, goutant leurs réactions face au dilemme moral qui s’impose à eux, sans que la lassitude s’installe. Cependant, on pourra émettre une toute petite réserve quant à la fin : au vu des capacités démontrées par Gaunt tout au long du roman, je trouve qu’il est plutôt impuissant face au shérif Pangborn lors de leur confrontation finale. Mais bon, la fin est déjà assez triste comme ça, et le livre suffisamment bon, pour que l’on en tienne réellement rigueur à l’auteur.
En résumé, j’avais lu ce livre il y a une bonne dizaine (voire quinzaine) d’année et le plaisir de le relire ne s’est pas fait attendre.